Il n'est plus besoin de présenter ce remarquable bijou d'écriture signé Dominik Moll : Harry, un ami qui vous veut du bien, un film dans lequel la comédie noire s'incorpore admirablement au suspense le plus insidieux, le plus inattendu et le plus efficace. Ce long métrage savamment raconté et interprété bénéficie entre autres de personnages à l'épaisseur psychologique incontestable et de références cinématographiques très intelligemment utilisées par le réalisateur. Dominik Moll recycle habilement certains éléments significatifs du terrible Funny Games de Michael Haneke, et ce dès l'ouverture filmée en totale plongée qui accompagne la voiture familiale de Claire et Michel ( Mathilde Seigner et Laurent Lucas, tous deux excellents ). Les oeufs - prétexte narratif du métrage autrichien - représentent ici tout un imaginaire érotique et fantasmatique, jusqu'à l'instauration d'une atmosphère particulièrement troublante dans le dernier quart du film...
Autre référence, et non des moindres : le Shining de Stanley Kubrick. Dominik Moll revisite l'espace symbolique de la salle de bain pour mieux le transfigurer, éventuelle boîte de Pandore renfermant les pulsions créatrices de Michel et l'angoisse de la page blanche du personnage. La maison isolée au coeur d'une vallée, la figure de l'écrivain frustré ou encore l'idée d'une famille qu'il faudrait à tout prix liquider sont des éléments du récit qui renvoient directement au chef d'oeuvre kubrickien... Et si le film de Dominik Moll n'atteint pas l'ampleur du classique de 1980 il prend le risque de prendre racine dans une amusante quotidienneté pour dévier par la suite vers le thriller cauchemardesque.
L'interprétation magistrale, fascinante de Sergi Lopez vaut à elle seule le visionnage de ce film résolument culte et trépidant. A revoir inlassablement au fil des rediffusions !