Un classique, connu, reconnu, le film légendaire qui a réuni les encore plus légendaires De Niro & Pacino. Avant celui-là, j’avais tout de même vu 4 films de Mann, mais que des œuvres postérieures à Heat (en fait, tous ses films postérieurs à Heat excepté Ali), je pensais donc cerner son style très reconnaissable, à la fois anticonformiste et rigoureux, éthéré et immédiat. Dans Heat, la mise en scène est admirable, c’est évident, mais beaucoup plus discrète, nettement moins expérimentale, comme si Mann se mettait au service de ses acteurs, dans une démarche d’une humilité remarquable. Son film est grand, ample, extrêmement violent et incroyablement doux. Les premiers plans sont d’une grande douceur, c’est le calme avant la tempête. Le premier braquage est à l’inverse d’une violence terrifiante, du fait des meurtres bien sûr, qui prennent aux tripes, mais également des masques des braqueurs, inhumains, d’une blancheur démoniaque.


Mais ce sont bien des hommes derrière les masques, et tout le film le dit. Heat est un film d’action mais c’est aussi – et peut-être avant tout – un drame. Ce qui frappe dans le film, ce sont les personnages, Heat est un film d’hommes, pas au sens « un film de mâles » avec braquages, fusillades, poursuites en voiture, et échanges musclés, mais au sens « un film d’humains ». Car les femmes aussi ont leur place, elles n’ont pas de flingues mais elles sont toujours là, elles habitent les cœurs des hommes et inversement. Les fusillades, malgré leur démesure (et la fusillade du milieu du film est absolument titanesque), gardent toujours une dimension humaine : les personnages y risquent leur vie, on a peur pour eux, et on a le cœur gros quand l’un d’entre eux périt. L’histoire de ce repris de justice devenu cuisinier, obligé de se plier aux directives de son boss alors qu’il est deux fois plus imposant que lui, est exemplairement bouleversante, malgré le fait qu’elle n’occupe que 10 minutes sur l’ensemble des 3 heures du film. Et puis bien sûr, les trois couples principaux sont mémorables. Chacun dans une situation différente, ils sonnent tous justes, portés il est vrai par une interprétation remarquable. Evidemment De Niro et Pacino sont grands, mais tous les autres aussi !


Heat est à la fois très spectaculaire et réellement poignant, du début à la fin. L’œuvre est plastiquement moins forte que Miami Vice, mais elle comporte aussi sa part de visions : les lumières de L.A. la nuit, les hélicos parmi les buildings, l’obscurité des motorways… Les séquences d’action ne sont pas en reste, filmés comme un choc des titans, une guerre atomique en pleine ville. Mais avec une attention constante à l’humain, et la manière dont s’achève l’incroyable séquence centrale en est la parfaite illustration : Al Pacino a tiré, a-t-il touché la fillette prise en otage ? La question reste en suspens quelques secondes interminables, le temps de sentir le poids de la vie. Heat est terriblement vivant. Il y a bien sûr la phrase-fil rouge, le conseil du vieux gangster à son disciple De Niro : « N’aie rien que tu ne puisses quitter en 30 secondes si tu vois un flic au coin de la rue », censée dire à quel point être un gangster c’est ne plus être un homme ; mais tout le film dit le contraire. Les gangsters et les flics sont des hommes autant les uns que les autres et la mythique scène du café en est la preuve absolue. Comme le tout aussi mythique plan final.


Alors ça ne vaut pas White Heat de Walsh, ni The Big Heat de Lang, mais l’œuvre phare de Michael Mann est incontestablement un grand film. Et je finirai en faisant remarquer à quel point Al Pacino est drôle. De Niro est génial aussi bien sûr, mais Pacino c’est Pacino.

Neumeister
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le 11 avr. 2014

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