Je ne partirai pas en Vacances au Mexique
Le Mexique va mal et pour nous le prouver, "Heli" s’ouvre sur une assez longue séquence de trajet en pick-up à l’arrière duquel on découvre, en gros plan, le visage écrasé d’un homme à moitié massacré, filmé longuement, en gros plan. S’ensuit une scène de pendaison filmée très sèchement, avec une maîtrise du cadre et de l’espace assez exemplaire, ce qui a valu à Amarat Escalante un prix de la mise en scène au dernier festival de Cannes. Mais ce prologue n’est qu’un apéritif : avec la même maîtrise froide, Escalante va expliquer, par une scène de torture minutieusement préparée comment le corp que l’on a vu au début s'est retrouvé dans le pick-up. C’est sans doute à cette scène qu’il doit son prix de la mise en scène, tant celle-ci témoigne de sa capacité à jouer avec le champ/contrechamp: des gamins jouant à la Playstation alors qu’un homme se fait brûler la bite sous leurs yeux. On peut s’en indigner, quitter la salle (ce qu’ont fait les deux spectatrices), cette scène ne fait que rappeler, à un degré de violence plus élevé, la maîtrise déjà aperçue dans le prologue.
Il me semble que cette scène est le cœur du film, mais ce coeur est un coeur vide. Chez Ascalante comme chez son ami Carlos Reygadas (dont le nom figure d’ailleurs au générique du film), le cadre prime sur ce qu’il contient, de sorte qu’il manque à cette scène la brutalité vraiment insoutenable que l’on trouve dans les vrais torture-porns, ces films de genre un peu dégueus, qui ne sont pas conçus pour plaire dans les festivals internationaux (voir par exemple "The Girl next door" de Luke Greenfield). Car, réduit à cette scène essentielle, véritable matrice de son histoire, "Heli" apparaît, au même titre que le "Funny Games" de Michael Haneke, comme un torture-porn de festival, un film élégant et stylé, sur lequel ne pourront s’indigner que les lecteurs de Télérama, qui évoque, à propos d'Heli, le "courage" et "l’espoir", comme si on était chez Ken Loach.
Flottant dans ce costume de film de festival, ce film-nain décline comme d'autres (Despues de Lucia, A touch of Sin) la litanie des malheurs du monde contemporain. Parfaitement adapté à la bonne conscience occidentale, reflétant une sorte de quart-monde dans lequel les privilégiés que nous sommes ne mettront jamais un pied, Heli nois offre paradoxalement le spectacle d’une horreur rassurante : tout ce qu'on se dit en le voyant est que le Mexique n'est pas une bonne destination de vacances.