La presse était unanime...
"Un grand film fantastique moderne", des "monstres pittoresques et inquiétants", "débordant d'humour et de poésie".... J'en passe, évidemment. Sauf qu'à l'image du joueur de jeux vidéo qui sent qu'on le prend pour un noeud en lui vantant au dos d'une boite les mérites d'une sombre production serbo-hongroise, le spectateur sortant de sa séance d'Hellboy II est sûr et certain d'avoir été passé au mixer de la beauferie la plus dégradante.

Hellboy II, c'est la honte, tout simplement.

D'aucun argueront que la justesse des références de Del Toro n'a d'égale que sa maestria à mettre en scène les créatures les plus fantastiques qui soient, il n'empêche que le génial espagnol ne réalise ici rien moins que son pire film. Une sombre farce aux allures de gros cadeau de Noël sauce conte de fée mâtiné de dark fantasy.
Point ici de la profondeur d'un Labyrinthe de Pan, L'enfant des Enfers ne souffre même pas la comparaison, mis au tapis dès l'entame par ce gamin outrageusement maquillé et affublé d'une dentition chevaline des plus douteuses. Néanmoins, la qualité graphique de l'ensemble reste fort satisfaisante, les trouvailles visuelles et les créatures de Del Toro remplissent l'écran, on en prend plein les mirettes, mais... Si l'habillage plastique du film reste agréable, la caméra a bien du mal à donner de la vie à l'ensemble. Les combats sont mous au possible -tout au plus dressera-t-on une oreille à la citation Matrixienne du paricide elfique- et le responsable cascade se contente de balancer ces gros amas de prothèses colorées à travers les murs, ponctuant chaque mouvement de catchlines creuses au possible. Au crédit du réalisateur, on notera quelques accélérations bienvenues héritées du film d'horreur, mais bien insuffisantes toutefois.

Rayon baston donc, on entend le bruit du vent, le film se rattrape-t-il sur ses quelques scènes dialoguées, là où la fraicheur de son prédécesseur avait fait merveille ? Hélas, hélas, et tant de fois hélas, le résultat n'est pas plus glorieux. La caractérisation des personnages est affligeante, enfonçant encore un peu plus le gros rouge dans le syndrome Ben Grimm ("bouh je suis un monstre, les hommes ne m'accepteront jamais tel que je suis même si je sauve les bébés des branches des gros monstres végétaux") qui aurait pu continuer à être drôle s'il ne s'était vu parasité par une Selma Blair insipide et ce personnage de Lyz royalement hors-sujet. La crise d'ado sur fond de "jeune couple qui s'énerve", ça va 5 minutes. Une ou deux scènes auraient pu apporter le souffle comique nécessaire au mainstream grand public, mais si même l'aquatique Abe s'y met, on n'en sort plus. La scène de biture entre les deux monstres colorés est vraiment très drôle, mais au final, elle ne met qu'un peu plus l'accent sur la piètre qualités des 115 minutes qui restent. Les répliques fusent mais tombent à plat et s'empare du public un néant de lassitude à peine rehaussé, disais-je, par de fades cabrioles.

Pour parachever le tableau, le francophone que je suis fut contraint de supporter cette comédie de monstres dans une VF en tout point insupportable, les doubleurs donnant l'air de ne pas savoir où se situe l'action ou le drame de ce qu'ils ont devant les yeux. Pour un peu, on irait même croire qu'à l'image de la "légende" d'un Hokuto no Ken, les malheureux l'aient fait exprès, histoire de passer cette grosse pilule de deux heures à grands coups d'autodérision post-synchronique... Sauf que non, c'est juste mal fait, et l'impression de s'être fait entuber des deux côtés de l'Atlantique reste le sentiment le plus fort au sortir d'Hellboy II.

Et puis, finalement, alors qu'on se dit qu'il est tout de même fort mauvais, ce Guillermo, de n'avoir pu offrir qu'un spectacle fadasse à son public toujours plus nombreux, arrive le spectre de la production, le fantôme des studios hollywoodiens, et le souvenir de ces innombrables films aux montages rapiécés et vidés ainsi de toute consistance (Troie, par exemple). A l'évidence, Hellboy II, trop fade pour être honnête et affichant une direction d'acteur pour le moins suspecte de la part de Del Toro, fait partie des ces soldats sacrifiés sur l'autel de la bienséance et du divertissement gratuit...

En attendant une hypothétique "version réalisateur" avec 1h30 inédite susceptible de confirmer mes dires (car tout ceci n'est que pure spéculation), il ne subsiste de ce patchwork cinématographique qu'une bande de monstres sans saveur.
Del Toro voulait avec ce second volet s'approcher du conte de fée, c'est raté, à moins qu'on ne se contente des images (pour peu encore qu'on fasse abstraction de l'infâme gobelin estropié de la fin et des ridicules fées dentophages du début). Entre farce et film de monstre, Hellboy II ne décolle jamais, coincé entre un désir semble-t-il profond de réveiller l'imaginaire du spectateur et les traces d'un démontage en règle des idées de son réalisateur.

Sachant qu'en plus la fin laisse entrevoir un troisième épisode, il y a de quoi frémir, indistinctement, sur les deux rives du Styx...
kofneo
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le 2 nov. 2010

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kofneo

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