Hellraiser IV : Bloodline (Alan Smithee, U.S.A, 1996)

Le premier plan de ‘’Hellraiser IV : Bloodline’’ est une vieille incruste numérique toute pourrie, dans l’Espace. Oui dans l’Espace. Quand à Hollywood il n’y a plus d’imagination, il existe toujours un recours : l’Espace. Vers la fin des années 1990 c’est en plus la mode des films dans l’Espace. : ‘’Spacetruckers’’ de Stuart Gordon, ‘’Event Horizon’’ de Paul W.S. Anderson en 1997, ‘’Lost in Space’’ de Stephen Hopkins en 1998, ‘’Wing Commander’’ de Chris Roberts en 1999, et ‘’Supernova’’ de Thomas Lee (Alias de Water Hill qui désapprouva le film, tient donc…) en 2000.


Cela nous offre un pont parfait pour expliquer une petite subtilité made in Hollywood. Lorsqu’un réalisateur se sentait dépossédé de son œuvre par des producteurs peu scrupuleux, il pouvait dissocier son nom du produit fini. Mais comme un film ne peut pas sortir sans auteur au générique, un alias était proposé : Alan Smithee. Il fût utilisé de nombreuses fois, au cinéma comme à la télévision, jusqu’à la fin des années 1990, avant de disparaître. Ce pourquoi on se retrouve parfois avec des aberrations.


L’un des meilleurs exemples en date étant le récent ‘’Rogue One’’ des studios Disney, qui après avoir viré le réalisateur Gareth Edwards, ont fait retourner des séquences par Tony Gilroy, refait le montage, pour une finition désapprouvée par son auteur. Ce dernier est toutefois mentionné au générique, bien que l’œuvre finale ne corresponde pas du tout à sa vision.


En 1996 c’est un peu ce qui arriva à Kevin Yagher, initialement pro du maquillage ayant œuvré sur quelques films de la saga ‘’Freddy’’, les trois ‘’Bill & Ted’’, et toute une flopé de productions des années 1990. Après deux épisodes des ‘’Contes de la Crypte’’, il réalise son premier et unique long métrage : ‘’Hellraiser IV : Bloodline’’.


Scénarisé par Peter Atkins, cette quatrième incursion dans l’univers ‘’Hellraiser’’ était dans un premier temps destinée à être une aventure épique, dont l’arc narratif ambitieux se déroulait sur trois timeline différentes. Une au XVIIIème siècle en France, qui suit la création de la boite des vices par Lemarchand, un fabricant de jouet. Une au XXème siècle, focalisée sur un descendant de Lemarchand, en lutte avec les Cénobites. Et une troisième au XXIIème siècle, suivant le dernier descendant de Lemarchand, qui cherche à détruire Pinhead, à bord d’une station spatiale.
Il devait y avoir au départ des Cénobites de l’époque victorienne, dans une première partie développant la genèse de la boite, et l’exploration de l’univers des Cénobites, mêlée aux pratiques libertines, incarnées par un aristocrate libidineux. Cette partie devait insister sur tout le processus d’ouverture aux pratiques sensuelles augmentées par la souffrance, et le don de son corps à l’enfer des plaisirs, afin de transcender la jouissance ultime.


Dans le scénario original Pinhead ne devait apparaître qu’au bout de 45 minutes, dans le second segment, contemporain, focalisé sur le descendant de Lemarchand. Ce dernier se retrouvant prisonnier un peu malgré lui de l’emprise de la boite, par le biais d’un ressort scénaristique reliant ‘’Bloodline’’ directement à la fin du troisième opus. Offrant une continuité à la saga. Ensuite venait le temps de la troisième timeline, dans le futur, à bord d’une station spatiale développée par un descendant de Lemarchand pour détruire les Cénobites.


Il y avait donc matière à repousser les limites de la saga, et clairement une volonté de porter les enjeux au-delà des simples meurtres perpétrés par les Cénobites tueurs. Une ambition louable qui aurait pu amener un intérêt nouveau à la saga, par l’exploration plus poussée de ses thématiques, et des réflexions liées aux différentes époques, facilitées par la continuité scénaristique.


Mais bon, ça c’était sans compter sur les producteurs. Parce que les producteurs, dans leur infini sagesse, avaient compris un truc que le réalisateur et son scénariste avaient complétement oubliés : Pinhead. Faire apparaître Pinhead au bout de 45 minutes, une infamie. Et ces timeline différentes, faut les aborder différemment. Pour le reste, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead, Pinhead. À toutes les sauces. Et ne nous attardons pas trop au XVIIIème, parce qu’on veut vite du Pinhead.


Pour les producteurs, les spectateurs voulaient du Pinhead. Ainsi la moitié du scénario fût mis aux oubliettes. Adieu les Cénobites victoriens. Adieu une séquence de massacre épiques et sanguinolente, de libertins à la recherche de la jouissance. Adieu l’arc narratif complet sur trois générations. Au final le film dure 1h25, avec du Pinhead en veux-tu en voilà. Devenant l’attraction principale. Alors que ce qui le rend vraiment terrifiant, est sa nature secondaire.


Au final Kevin Yagher a désapprouvé son taf, adjoint Alan Smithee au titre de réalisateur, et le film a fait un bide. Signant la fin de l’exploitation de la saga ‘’Hellraiser’’ au cinéma. Et la qualité du film et bien elle est vraiment bof. Puisque ça se voit qu’il a été charcuté, de nombreuses séquences sont clairement aseptisées, il est moins gore, comme pour plaire à un plus large public. Totalement aberrant pour un film dont la souffrance et la douleur physique compose l’axe principal du récit.


L’histoire est simpliste et confuse, l’intérêt des timeline perd totalement son sens, donnant l’impression de voir trois films différents mélangés, avec des enjeux pas du tout clairs. La connexion se faisant par les trois Lemarchand incarnés par Bruce Ramsey, comédien peu convainquant de base, alors dans un film raté, c’est encore plus criant. Par contre du Pinhead, du Pinhead et du Pinhead.


‘’Hellraiser IV : Bloodline’’ n’est clairement pas un bon film, et il est très difficile de le défendre, ou d’y déceler un intérêt. C’est au final une production lambda, semblable à un peu à tous les slasher post-Scream. Sans magie ni personnalité, marquant un point d’arrêt à toutes tentatives de développement du riche univers créé par Clive Barker, que les deux premiers films effleuraient à peine, et qui déjà dans le troisième se fourvoyait un peu. Mais alors avec ce quatrième film, là il est très clair que la saga ‘’Hellraiser’’ ne s’élèvera plus au niveau de son potentiel pourtant extraordinaire, et unique dans la production mainstream.



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le 10 févr. 2020

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