La référence morale du film, c’est Kristy et son petit ami, qui son les seuls personnages à ne pas succomber à leurs pulsions. Ils font preuve d’une retenue et d’un sang froid qui forcerait le respect en face de l’immense pouvoir corrupteur du cube. Par le pacte que Kristy concluera avec les cénobites, elle donnera même le titre au film. Mais néanmoins, sur le plan des thèmes, ils restent les personnages les moins intéressants du film, car ils ressemblent à des personnes sensées. Les autres personnages fonctionnent complètement sur un autre plan. Le père de Julia fonctionne d’une façon extrêmement platonique. Il aime la monotonie, s’est habitué à sa couche froide (il faudra voir son étonnement quand Julia y met enfin un peu du sien en s’imaginant avec Frank), et mourra donc logiquement. Ce plan de raisonnement permettra d’ailleurs à Kristy de se rendre compte de la supercherie dans le dernier acte. Julia est quant à elle obnubilée par la chair. Son quotidien lui semble fade à côté de ces quelques moments d’éternité que les orgasmes avec Frank lui ont fait vivre. Aussi cède-t-elle peu à peu à ses pulsions une fois que Frank revient de chez les cénobites. Au premier mort, elle a encore des hésitations, mais sa transformation en femme fatale est faite. Elle prend un sérieux coup de main, et devient vite la MILF la plus tentante du quartier. Cet abandon total à son désir, elle la femme frustrée devenant la dominante vénéneuse, en fait Le personnage phare du film, car elle est celle qui s’abandonne complètement à infliger la douleur en perspective des multiples plaisirs en perspective. La reine des rêves cuisants de milliers de masochistes, qui seront ravi de la retrouver dans le second film… Frank est enfin sur le dernier plan de pensée. Il cherche la stimulation. Son kiff, c’est l’excès. Sur les plans sexuels, philosophiques, sensoriels, sa quête est sans limite. Il découvre les portes de l’Univers des cénobites, et parvient à s’en libérer quelques mois plus tard, maudissant presque sa quête destructrice. Mais si il désire reprendre forme humaine en payant le prix monstrueux qu’il implique, il reprend sa quête de stimulation à un degré inférieur de raffinement. Plutôt que de rechercher de nouvelles pistes, il retombe dans les mêmes excès, dont il se sert volontiers pour manipuler les êtres qui l’entourent. Promettant à Julia monts et merveilles, alors que nous savons déjà que ses envies ne peuvent le réduire à honorer une seule personne. La trahissant dans un faux mouvement, avant de se reporter sur sa nouvelle proie, il blesse Julia de la pire des façons sans se soucier plus de 10 secondes de son sort. Ses retombées dans des fantasmes sordides qui n’ont plus rien de novateur (l’inceste…) l’entraîneront à nouveau vers une conclusion encore plus destructrice : le retour dans l’univers des cénobites, où ces derniers sont maintenant totalement concentrés sur son cas. Sa fin est de loin la plus mémorable de la saga, et l’une des fins les plus graphiques du cinéma d’horreur des années 80 (malgré la censure ayant assez mutilé le film, qui n’est disponible qu’en version censurée en France).

Intéressons nous maintenant aux Cénobites, les créatures les plus sensuelles vues au cinéma à cette époque. Une tenue d’un fétichisme des plus suggestifs, un design undergroud à la fois lisse et piquant, ils sont la synthèse parfaite de l’esprit « torturé » de Clive Barker. Rien de vraiment novateur en analysant leur discours, qui reste dans les grandes lignes ce à quoi Clive Barker nous a habitué (un univers qui s’est affranchi des contraintes temporelles, qui a des milliers d’adepte et qui apporte des réponses aux questions existentielles de la manière la plus inattendue). Des ambigüités faciles qui laissent au spectateur le soin de se faire sa propre idée sur la question, et qui le laisse, en somme, développer son propre imaginaire à par de ses goûts et de ses frustrations. Une vraie machine à pervertir l’esprit, et à nous rallier à sa cause. Ces personnages, plus iconiques les uns que les autres (on se focalise tous sur Pinhead, mon préféré est de loin le plus grand cénobite, Chatterer, dont les claquements de mâchoire ininterrompus induisent une stimulation nerveuse constante, et laisse entrevoir le destin d’une surexposition constantes aux sensations contrastées de cet univers fascinant), font en grande partie la popularité de Hellraiser, faisant de Doug Bradley un acteur culte et permettant divers portraits que ces plaisirs douloureux peuvent engendrer. Si cela semble toutefois frustrant de voir ces êtres séducteurs roulés par une simple humaine (un choix qui m’a un peu étonné, mais que je pense avoir été fait pour respecter une certaine morale), l’apparition finale d’un démon osseux récupérant le cube pour le remettre en circulation rassure, et nous promet du même coup une suite, qui pourra éclaircir les nombreuses questions qui nous assaillent après cette brillante introduction dans ce monde où les pensées disparaissent au profit des sensations. Il n’est pas rare d’observer une telle régression de la pensée dans le cinéma horrorifique (où la survie devient souvent le principal enjeu), mais de la voir au profit de thèmes purement sensitifs, c’est une première. Autant esthétiquement que psychologiquement.

La seule chose qui parasite quelque peu le film, ce sont les acteurs, qui jouent leur rôle d’une façon un peu figée, trop peu naturelle pour vraiment convaincre (particulièrement pour le mari de Julia, qui a parfois l’air de réciter son texte plus que de le jouer). Malgré ce manque de spontanéité, Clive réussit à bien caractériser chaque personnage, à nous donner à voir des effets spéciaux imparfaits mais comblant immédiatement les amateurs de bricolage (la renaissance de Frank est une des meilleures scènes du film), et créant sous nos yeux un univers pervers des plus suggestifs, car touchant à un tabou qui ne laisse de nous interpeller. Transgressif, gore, inventif et plus réfléchi qu’on ne pourrait le penser, Hellraiser annonce la couleur de la série dans un flamboiement que beaucoup lui envieront…
Voracinéphile
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le 18 nov. 2013

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