We are the universe contemplating itself.

Avant d'aller au cinéma, j'ai passé mon début de soirée à ré-écouter Richard Feynman* parler de la beauté des fleurs, en jouant à 2048, puis j'ai commencé à barbouiller mes yeux en feuilletant les pages d'Alpha... directions (http://www.du9.org/wp-content/uploads/img/jpg/alpha-doublepage1.jpg) et comme je suis petite, j'ai posé des questions sur l'univers à mon cher compagnon et on a discuté de l'immensité de la vie (vous savez j'ai découvert que récemment que les étoiles ce sont des soleils et aussi, qu'il y a des étoiles plus grosses que notre soleil à nous et qu'elles sont dans une autre galaxie parce qu'ils existent plusieurs galaxies)(Regarde comme on est minuscule : http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/cc/Star-sizes.jpg). L'infini, moi, ça m'fait pleurer. Ça rend compte de la bizarrerie monstrueuse de la vie, de nous, humains conscients, petits atomes en petits atomes, millions de neutrons qui se croisent et se décroisent. C'est majestueux, inexplicable, c'est là. Et nous, on regarde ça d'un air béat, avec un savoir qui grandit chaque jour de plus en plus, une connaissance au départ infime qui s'étend, que nous seul, humains, détenons. Comme si on était là pour que le reste existe intellectuellement.
Nous sommes les lois de la physique incarnées.
C'est quoi le plus fascinant, le fait qu'on soit tout seul ou le fait qu'il existe peut être une autre forme de vie quelque part ?

Après, dans le calme et la sensibilité ouverte et décuplée par l'imaginaire de la science, je suis allée au cinéma, seule, avec mon gros casque sur mes petites oreilles, dans la nuit. Ma dernière séance de cinéma solitaire remonte à longtemps ; avant, au lycée, j'y allais presque toutes les semaines, seule car le cinéma d'art et d'essai ne passait dans la tête de mes camarades de classe que des films hongrois en noir et blanc des années 40. Après, j'ai croisé des gens qui ne concevaient pas d'aller au cinéma sans leurs amis, j'ai toujours trouvé ça bizarre.

Bref, j'étais en avance, j'attendais que la salle obscure s'ouvre, j'avais ôté la musique-barrière du monde et un brouhaha brouhaha résonnait alors dans l'entrée du cinéma. Je regardais toutes ces personnes, toutes diverses et variées, en pensant aux étoiles qui sont des soleils, c'était la beauté sans mot de l'essence.

J'étais prête à pleurer pour Joaquin Phoenix, sur quelque chose de concret et pas pour l'univers que je ne comprends pas et qui me donne le vertige.

J'ai pleuré pour Samantha.

Ok, les histoires d'amour ont de grosses ficelles, elles sont mignonnes et prévisibles ; le rythme est répétitif, Theodore est triste puis il est joyeux puis il est triste puis il est joyeux, etc. ; l'avant-gardisme technologique est quelque peu foutraque mais. Je trouve ce film très très très très excitant intellectuellement. Attention, je vais très certainement partir beaucoup trop loin, sur la lune de la chanson dans la neige peut-être.

Aujourd'hui, le progrès technologique est méconnu du grand public, la plupart des gens utilisent des services sans en connaître grand chose, sans en voir la portée magnifique et révolutionnaire. Internet est là depuis peu, on s'y est habitué sans y réfléchir vraiment, le quotidien est parsemé de gestes formatés par cela.
Le progrès technologique est méconnu ou alors il fait peur. En fait, il fait très certainement peur car il est méconnu, que les débats qui font rage autour de certaines problématiques ne posent pas les bonnes questions. Du coup, l'avenir est toujours dystopique, les robots sont toujours méchants et veulent nous contrôler, nous réduire en esclavage. Si l'intelligence artificielle nous dépasse, c'est souvent dans l'optique de détruire l'humanité.
Ici, l'intelligence artificielle (il faudra changer cet adjectif un jour ou l'autre) est vue comme possible bonheur. Le robot devient humain, tout en restant un robot. Vous pensez bien évidemment que cela n'arrivera jamais, moi je pense que vous avez tort. Après tout, nous sommes des robots, nous sommes un réseau de neurones interconnectés, un gros tas de data agencé de manière incompréhensible actuellement. Et vous me répondrez : et l'âme ? et l'esprit ? et la conscience ?!
C'est quoi ces trucs que la sueur des philosophes et des scientifiques n'a jamais pu en trouver la vérité, l'origine, le sens, la structure, le lieu. C'est quoi la conscience, c'est une croyance de sorcière et de marabout, ce sont les 21 grammes en moins du corps mort ? C'est une excuse du genre humain pour se sentir si spécial du reste du vivant ? Est-ce qu'une conscience se programme ? Est-ce qu'un robot peut avoir une âme ?

Imaginons avec délectation que oui. Alors cette intelligence artificielle-humaine, cet être supérieur face à nos cerveaux embrumés de conflits triviaux, peut elle tomber amoureuse de cet handicapé mental ? Cet homme qui sait seulement ce qu'il ne sait pas. Cet animal à la fois trop simple et trop compliqué. Est-ce que lui, le juste-humain, peut s'amouracher d'une entité virtuelle, hors normes jusque là connues ?
La fascination réciproque de l'un pour l'autre, très bien imaginée dans le film, pourrait provoquer ce genre de relation. C'est génial. Est-ce que seul un mec paumé comme Theodore peut s'attendrir de son système d'exploitation ? Je reviens sur le thème de l'imaginaire, couplé cette fois avec l'amour. Le couple amoureux, l'unité créé par un double. Mouvement de projection vers l'autre, réassurance narcissique dans le confort d'être aimé, l'action d'aimer est personnel, c'est un vécu de l'égo, certes partagé, cependant enfoui en soi. L'amour est imaginé, imaginaire avant d'être réalité. Il est tard, mes pensées sont trop nombreuses. Qu'attend l'autre de nous, qu'est-ce qu'on attend de lui dans la relation ? Theodore est seul et rêveur, ce qui lui permet d'imaginer un amour possible avec Samantha.

Samantha ou Faust ? La connaissance du tout serait invivable, selon le film. Accaparé par toutes les possibilités, tout le savoir, toutes les discussions, il n'y a plus de place pour la personne ? Si l'évolution de l'homme arrive à ce point particulier de l'être omnipotent, c'est le vide, le retour au néant ? Les OS sont partis, mais où ?
Alors, soyons heureux d'être simple humain, conscience corporisée ?
J'ai senti la brise froide de minuit sur mes joues en rentrant après la séance, j'ai pensé à Samantha et à l'absence du corps.

* https://www.youtube.com/watch?v=Bgaw9qe7DEE
_
PS poétique par Richard Brautigan :

ALL WATCHED OVER BY MACHINES OF LOVING GRACE (1967)

I like to think (and
the sooner the better !)
of a cybernetic meadow
where mammals and computers
live together in mutually
programming harmony
like pure water
touching clear sky.

I like to think
(right now, please !)
of a cybernetic forest
filled with pines and electronics
where deer stroll peacefully
past computers
as if they were flowers
with spinning blossoms.

I like to think
(it has to be !)
of a cybernetic ecology
where we are free of our labors
and joined back to nature,
returned to our mammal
brothers and sisters,
and all watched over
by machines of loving grace.
slowpress
9
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le 15 avr. 2014

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