L’Histoire émouvante de Gordon Freeman et la Cousine de Hal

Avec ces oscars 2014, on se retrouve avec pas mal de films bien, mais convenus et beaucoup trop orientés vers le jury vieillissant de cette académie. Her fait figure d'outsider, un Ovni sortit de l'imagination de Spike Jonze. Imaginez, les sentiments amoureux sont déjà d'une complexité assez rare, mais ajouter à ce merveilleux jeu qu'est l'amour avec une OS à la voix séduisante, équipée d'une spontanéité charmante qui se concorde à votre personnalité. Un logiciel qui ne serait pas juste une bête intelligence artificielle, mais une âme virtuelle qui est aussi complexe qu'un esprit humain pouvant tomber amoureux. Bienvenue dans une histoire romantique, mélangeant science fiction d'anticipation et drame sentimentaux.

Los Angeles, dans un futur proche où les hipsters et les asiatiques ont investis les règles esthétiques art&déco de façon majoritaire. Theodore Twombly (Joaquin Phoenix), sosie de Gordon Freeman par intérim et homme sensible au caractère complexe, est inconsolable suite à une rupture difficile avec son ex-femme Catherine (Rooney Mara). Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il fait la connaissance de Samantha (Scarlett Johansson), une voix féminine intelligente, intuitive et étonnamment drôle. Les besoins et les désirs de Samantha grandissent et évoluent, tout comme ceux de Theodore, et peu à peu, ils tombent amoureux. C'est avec ce postulat de base que le réalisateur Spike Jonze (Dans la Peau de John Malkovich) vient d'opérer un méchant tour de force sur cette année 2014. C'est là chers amis lecteurs que tu devrais prendre compte de quelques détails. Le film est hautement déconseillé aux aficados de l'action, du cul et de la bibine. C'est contemplatif au possible, tout se joue sur les dialogues, alors si vous êtes du genre pisse-froid, pas la peine d'attaqué l'oeuvre.Je vous avais déjà parlé d'un autre coup de coeur côté film de genre romantique cette année qu'était The Spectacular Now, Her va encore plus loin dans le traitement des relations humaines de façon beaucoup plus viscérale.

Cette complexité sentimentale s'illustre par diverses problématiques que le film montre notamment par les traits de Joaquin Phoenix qui fait son boulot d'acteur encore comme personne d'autre, j'avais déjà beaucoup d'estime pour lui, je pense qu'on peut dire qu'il a atteint son apogée. À l'instar d'un Matthew McConaughey dans Dallas Buyers Club où tout le film se met à son service pour sublimer encore plus son jeu d'acteur au détriment d'être un film réellement percutant (où du moins trop calibré à la chasse aux Oscars). Le personnage Theodore Twombly dans Her est confronté à une dépression suite à la séparation douloureuse avec son ex-femme, mais ne tombe pas dans l'archétype du pauvre malheureux, il reste tout en nuance , il reste sociable et se met régulièrement à la pêche aux speed-datings, mais son va le pousser a essayer de retrouver le bonheur avec une intelligence artificielle, une conscience sans enveloppe charnelle. Cette présence au doux nom de Samantha interprété vocalement par (la Motherfucking sublime) Scarlett Johansson nous fait oublier sa non-présence à l'écran, sa voix et son rire font tout le travail, on est instantanément sous le charme. La question fatidique se pose alors : peut-on être heureux avec une personne qui n'existe pas physiquement ? Les rapports sociaux évoluent-ils dans le bon sens avec l'ère du tout connecté ? Les réponses que parsèment Spike Jonze tout au long de son film sont plutôt pessimistes, propos qui contraste énormément avec la direction artistique du film où tous les objets technologiques sont stylisés et vraiment choux. Her n'échappe pas au schéma du poncif du genre, on a toujours le droit à la vague : "bien, mal, bien, mal et bien", mais si ! Ce schéma qui caractérise tous les films romantiques comme le premier meurtre dans un slasher.

Il ne s'en échappe pas, mais je trouve tout de même le déroulement du film agréablement bien foutu. Spike Jonze trouve des tournures de mise en scène et change les codes du déroulement archétype de ce film de genre. Déjà pour le décor global du film futuriste, on est bien loin des visions dystopiques du "futur" comme le sont les Carpenter (au pif Escape from New York) ou Blade Runner de Ridley Scott. La photographie qui chatouille les yeux, malgré le plot, je trouve cela joyeux, chatoyant, chaud, accueillant et contribue à la haute qualité qu'est cette mise en scène toujours en contraste avec la relation froide et platonique de Theodore et Samantha. On a le droit à des scènes assez dures qui jouent sur l'ambiance sale qu'est ce monde interconnecté. Le film reste aussi tout en nuance, il ne se fout pas de la gueule du spectateur, il nous laisse vraiment interpréter les événements qui en découlent de cette histoire, il n'y a pas de morale imposée. Cette oeuvre est faite que de jeu de contraste, le film se permet d'être simple, mais on peut facilement rentrer dans l'analyse, il joue le chaud et le froid. Il se permet de magnifier une relation tout en la détruisant de façon dramatique.

Her est non seulement un excellent film, mais surtout profite d'un statut assez exceptionnel et avant-gardiste. Toute sa trame remet en cause les rapports sociaux avec l'ère du tout connecté ou même le rapport de l'homme à la technologie en général sans propos fumiste. Une icône de cette génération qui pourra être étudiée en cours de français (le même où j'ai eu le droit à Blade Runner). Her est généreux et émouvant, triste et drôle, il décuple un nombre incroyable de sentiments pour un homme désabusé et au fond du trou. Malgré ce pessimisme ambiant et cette ironie constante, Her est une ode à la vie.
Koreana
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le 26 févr. 2014

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Luc Le Gonidec

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