Un homme en instance de divorce tombe amoureux de son système d’exploitation informatique. Bien. Le pitch paraît pauvre. On aurait presque envie de rire. On pourrait se dire : « Quel cliché ! Maintenant que l’on vit dans l’ère du numérique, que le progrès informatique est constant, que les inventions technologiques vont toujours plus loin, on s’imagine que l’homme, un jour, ne pourra plus faire la différence entre réel et virtuel. Après les robots, les systèmes d’exploitation… Et après ? On tombera amoureux de notre voiture ? De notre GPS ?... ». On pourrait. Seulement voilà, au sortir de la séance de cinéma, on ne le dit pas.
Joaquin Phoenix est presque seul tout au long du film. Presque, puisque la voix de Samantha l’accompagne. Et c’est là que réside toute la magie. Elle devient « quelqu’un ». Alors même si à l’image on ne la voit pas, on l’imagine très bien. Le film rend le spectateur actif de l’histoire d’amour qui se déroule sous ses yeux : c’est lui qui imagine cette femme. Romance d’un autre monde, avec, en fond, morceaux de piano ou Arcade Fire qui nous transportent.
A travers des décors mi-futuristes mi-kitsch, ce monde totalement individualiste, où toute personne se déplace en discutant avec la petite boîte renfermant son système d’exploitation, nous absorbe totalement. Theodore Wombly, inconsolable après sa séparation, nous touche par les mots doux qu’il écrit dans des « lettres adressées à d’autres de la part d’un autre », parce que, dans sa solitude, il tombe amoureux d’une voix qui ne laisse personne de marbre, parce que cette voix, c’est celle qui nous manque à tous, la présence constante à qui l’on fait appel quand on en a besoin, la voix qui se transforme aussi en oreille pour nous écouter, et parce que, finalement, Theodore ça pourrait être nous…
Ni une critique de notre société, ni un cliché plongeant sur la technologie, Her réussit à nous frapper. Parce que « her » c’est avant tout « us ». Au bout d’un moment, la voix s’éteint et nous sommes seuls face au monde, face aux autres, avec qui les liens sont les plus forts et nous permettent d’avancer.