Virtuel, le nouveau charnel
Elle. Samatha. Virtuelle?
Même le spectateur s’y méprend.
Sa voix, son intelligence, son humour, sa subtilité. Seule sa capacité à lire une encyclopédie en 1/1000eme de secondes nous rappelle qu’elle n’est qu’un logiciel.
Plongé dans un futur aux allures d’aujourd’hui, loin d’un futurisme exagéré façon 5e élément, c’est là justement la clé du film. Ce pour quoi on se laisse embarquer dans l’aventure sans se méfier, jusqu’à être convaincue qu’elle existe vraiment.
Le spectateur est littéralement plongé dans le corps de Théodore. On se sent Théodore, comme si le film avait été tourné en caméra subjective. L’émotion et la sensibilité avec laquelle Spike Jonze a dirigé ce film et les personnages est telle que l’on prend sa place, on vit sa joie, sa tristesse, ses doutes. On se demande ce qu’il faut faire, quels sont les choix, les possibilités, les issues.
Une histoire d’amour impossible comme celles que la passion dévore.
Une entente parfaite, une symbiose amoureuse entre un homme et un logiciel qui condamne cette histoire à une virtualité à perpétuité.
Un véritable tour de force de Spike Jonze d’avoir fait de cet amour virtuel une véritable passion charnelle.
Une vrai beau regard critique sur notre société.
On sent à la fois l’interrogation sur la dématérialisation des relations, sur la mutation des échanges amoureux et plus généralement aussi sur notre société numérisée. Une nouvelle sensualité qui répond à la perdition des contacts charnels. On ne touche plus. On échange des mails, des mots, des images, c’est ça communiquer aujourd’hui. C’est ça aimer.
On peut aimer virtuellement, sans se connaître physiquement, corporellement.
Spike Jonze nous donne à réfléchir sur l’intelligence artificielle qui l’est de moins en moins, et sur cette peur à la fois caricaturale et mythique de l’homme qui se fait dépasser par la technologie.
Un scenario exceptionnel. Très sensible et censé.
Un jeu d’acteurs parfait de Joachim Phoenix et Scarlett Johansson, qui nous plonge comme un espion discret dans la relation, comme un observateur qui voit se dérouler sous ses yeux ce qu’il redoute et envie à la fois.
A relever tout particulièrement le jeu de Scarlett que l’on pourrait penser plus facile car elle n'est "qu'une" voix mais qui en réalité a dû être plus compliqué. Elle réussit un jeu vraiment parfait plein d’émotions qui fait que l’on sort en ayant l’impression de l’avoir vu dans le film, sur le canapé aux côtés de Théodore.
Un vrai très beau film à voir et à revoir.
Sans aucun doute.
Courrez-y.