Les mauvaises langues (et elles sont très rares face à ce film plébiscité par la critique et le public) diront que Her utilise de nombreux ressors de la comédie romantique et aurait pu en cela être un peu plus original. Sauf qu' à mon sens le film traite moins d'une histoire d'amour que de la thématique du deuil amoureux : comment se remettre d'une rupture, comment vivre dans le vide de l'autre, comment se reconstruire, comment faire son introspection pour arriver à accepter de voir l'être aimé nous quitter, lui pardonner la douleur infligée, comprendre sa décision et enfin aller de l'avant.
Avec des décors superbes et une photographie extraordinaire, Spike Jones dépeint un futur proche qui anticipe à peine notre monde actuel, dans lequel hommes et femmes sont en permanence vissés à leur téléphone, marchant le nez sur leur écran, des écouteurs sur les oreilles, plus connectés à la virtualité des réseaux sociaux et aux relations électroniques qu'aux personnes qu'ils croisent dans la vraie vie. Cette société est déjà là, belle dans ses possibilités chaque jour grandissantes et effrayante de déshumanisation.
Enfin débarrassée de ses atours de bimbo vulgaire, Scarlett Johansson trouve son meilleur rôle en simple voix (finalement ce qu'elle a de plus juste en tant qu'actrice et de plus troublant en tant que femme), parlant dans l'oreille d'un Joaquin Phoenix exceptionnel en homme blessé et timide qui compose des lettres manuscrites pour les derniers résistants qui veulent encore utiliser le papier et les mots (formidable idée qui décrit là encore parfaitement l'évolution du monde occidental). L'on suit leur histoire d'amour avec bonheur, en retenant son souffle lors de ses différents climax, comme cette incroyable scène de sexe virtuel où les voix et les respirations deviennent les seuls repères et composent la plus émouvante des sensualités.
Après The Grand Budapest Hotel, Her est sans conteste le second bijou de ce début d'année.