La galaxie tragique

Si vous étiez condamné à mort et que l'on vous proposait de vous libérer, sous réserve que vous acceptiez une mission pour le moins risquée dans l'espace, que choisiriez-vous?
Si le postulat de départ de High Life a des airs de déjà-vu, la vision de Claire Denis l'est un peu moins.

Nous voici donc dans un vaisseau spatial (enfin, une espèce de container avec des réacteurs), qui a quitté le système solaire. A bord, une dizaine de passagers, tous repris de justice.
N'attendez pas beaucoup plus d'explications sur ce qui a amené tout ce beau monde ici, nous n'en saurons guère davantage. De brèves séquences sur Terre fournissent quelques bribes d'informations mais ça n'ira pas plus loin. Lesdites séquences n'apportent d'ailleurs pas grand chose.
Le but de la mission reste assez évasif également. Il semble que des expériences sur la reproduction dans l'espace soit un des sujets, mais la destination finale du voyage est, apparemment, la traversée d'un trou noir. Mais tout cela restera vague et, au passage, sans volonté manifeste d'avoir une réelle crédibilité scientifique.

Ce postulat de départ est donc prétexte à instaurer un huit-clos au beau milieu du vide interstellaire. Les membres de l'équipage semblent ne pas avoir grand-chose à faire, à croire que le vaisseau est complètement autonome.
Si l'équipe est composée de personnes à peu près équilibrées, la toubib (incarnée par Juliette Binoche), en revanche, est franchement flippante. Elle-même criminelle notoire, c'est pourtant elle qui fait figure d'autorité à bord. Celle-ci recueille inlassablement la semence des hommes de l'équipage, afin de procéder à des tentatives de procréations médicalement assistées. Tout un programme.
Le reste du temps, chacun s'accroche à ce qu'il peut pour ne pas devenir totalement dingue.

Se déroulant sur plusieurs échelles de temps (le voyage dure des années), High Life est un film qui ne raconte finalement pas grand chose, mais qui traduit de manière assez viscérale les errances psychologiques qui frapperaient inévitablement toute personne condamnée à vivre indéfiniment dans l'espace, qui plus est, sans but précis et sans espoir de retour...
Au milieu de cette vie sans avenir, la réalisatrice met au centre de son film les corps de manière quasi obsessionnelle, le désir dans toute sa violence et l'obscurité qui gît dans les plus profonds abysses de l'âme humaine.
Appuyé par un casting inégal, on saluera toutefois la prise de risque et la performance assez réussie de Robert Pattinson, dont l'époque Twilight et Harry Potter semble bien loin désormais.

Esthétiquement, le film de Claire Denis s'avère convaincant, dans un style épuré et clairement orienté 70's, que ce soit dans l'intérieur du vaisseau, le design des machines ou encore la représentation de l'espace, volontairement désuète.

Avec son rythme lent, son ambiance froide et pesante, ses moments parfois dérangeants, voire glauque, High Life est un film à ne pas mettre entre toutes les mains, y compris chez les fans de SF qui n'y trouveront pas nécessairement leur compte, puisque le cadre n'est finalement qu'un prétexte.
Sur le fond, Claire Denis nous livre une oeuvre brute, radicale, profondément triste, qui sonde l'âme humaine plus qu'elle ne raconte véritablement une histoire.
Le résultat, sans concession, rebutera le plus grand nombre, mais pourrait exercer un certain pouvoir de fascination sur d'autres.