Si je n’avais pas trouvé une présentation d’une quinzaine cinéma hispanique je n’aurais sans doute jamais vu ce film, ni fait une critique à son propos et vous ne seriez pas en train de la lire…


L’Argentin Herman Goldfried adapte un roman de Diego Paszkowski (inconnu pour moi) avec Ricardo Darin incarnant l’avocat Roberto Bermudez. Celui-ci enseigne le droit pénal à un groupe de jeunes étudiants, à Buenos-Aires. Parmi ceux-ci, Gonzalo (Alberto Amman) se présente comme le fils d’un vieil ami de Roberto. Enfin ami c’est vite dit, car Gonzalo explique qu’il a grandi avec l’image de Roberto comme une sorte de Némésis. La dernière fois qu’ils se sont vus, Gonzalo avait 9 ans.


Roberto prévient ses étudiants qu’ils auront quelque 2000 pages à lire obligatoirement, avec un paquet encore plus important en option fortement conseillée, tout cela avant de s’attaquer à une sorte de thèse de fin d’études. Sur ce, l’attention des étudiants est attirée par ce qui se passe sous les fenêtres de la salle. On apprend rapidement qu’une jeune femme a été assassinée (violée, rouée de coups, tailladée et étranglée, un papier annonçant que les femmes de sa sorte doivent mourir. Quelle sorte ?) C’est là que Roberto intervient.


L’enquête ? La police est certes au travail, mais on la voit peu et semble complètement démunie. Roberto n’a aucun mal à être admis sur la scène de crime, puis à obtenir des renseignements du commissaire chargé de l’enquête. Au commissariat, Roberto entend une femme se présenter, donner ses coordonnées, au mépris de toute notion de discrétion. Puis, Roberto est reçu par le médecin chargé de l’autopsie à qui il subtilise tranquillement une pièce à conviction. Bref, Ricardo se propulse enquêteur en chef sans la moindre opposition. Quant à sa motivation, elle tient au fait que le meurtre a été commis sous ses fenêtres. Et puisqu’il est question d’hypothèses, celle que le meurtre n’ait pas été commis à cet endroit et à ce moment-là n’est jamais abordée. Pour quelqu’un comme Roberto qui affirme avec force que pour un juge (qui n’apprend les faits qu’en tout dernier et ne peut se fier à aucun témoignage), ce sont les détails qui comptent, l’impression est plutôt négative.


Des pistes, Roberto en trouve. La jeune femme assassinée était serveuse dans le café juste en face de la fac de Droit. Il réussit à trouver sa sœur Laura (la charmante Calu Rivero) à qui il présente la chainette avec un papillon trouvée au cou de sa sœur. Laura en état de choc ? Voir. Quant au papillon, elle affirme ne l’avoir jamais vu…


Le film tourne rapidement à une sorte d’affrontement (de défi) entre Roberto et Gonzalo. Gonzalo est jeune, sûr de son idée de la Justice (au service des puissants) et provocateur. Pour Roberto, aucun doute, Gonzalo est l'assassin. D’ailleurs, les indices s’accumulent. Franchement, on se demande pourquoi un homme aussi expérimenté fonce dans cette direction. L’alibi de Gonzalo ? Roberto lui-même !


Le réalisateur semble avoir voulu montrer la déchéance de cet avocat ayant roulé sa bosse, qui vient de publier un bouquin sur le fonctionnement de la Justice (son livre côtoie ceux de Borgès à sa sortie en librairie !) et qui après avoir écouté les théories de Gonzalo sur la Justice, lui rétorque de « baiser autant qu’il le peut, le reste viendra ensuite ». Un conseil qui correspond parfaitement à son état d’esprit, car si les étudiantes sourient lors de la remise de leur travail de fin de cycle, quand elles le croisent quelque temps après, elles ne se contentent plus d’un gentil bisou ! Avec Ricardo Darin, malgré la différence d’âge, cela se comprend, car il dégage quelque chose d’incroyable.


La réalisation se concentre sur l’ambiance. De ce côté, c’est réussi. Le générique de début fait son effet, avec BO et images travaillées (couleurs et déformations), accent mis sur des détails. On a également une très belle séquence dans une exposition, avec une analyse détaillée d’une « Crucifixion » signée Picasso. L’important ce sont les détails affirme Roberto, ce que le réalisateur applique en montrant des yeux, une cigarette, le papillon, une main blessée, etc.


En pleine nuit, Roberto se permet d’appeler la femme dont il est séparé depuis une éternité, pour qu’elle lui donne son avis sur le meurtre et l’enquête qu’il mène. Elle le verra plus tard. Entretemps, on réalise qu’il n’a jamais changé le message sur son répondeur « Vous êtes chez Monica et Roberto » voilà un détail qui méritait d’être exploité.


Le détail que le réalisateur néglige, c’est de mener l’intrigue à son terme. Seule certitude au bout du compte, Goldfrid ne dépasse pas ici l’exercice de style quand Fincher faisait œuvre personnelle avec Zodiac.

Electron
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le 15 avr. 2014

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