"Holy Motors" est un film qui divise et il suffit de jeter un rapide coup d'oeil sur les notes et critiques qu'il reçoit ici pour s'en rendre compte.
il y a bien sur plein d'autres raisons de ne pas aimer ce film, mais j'ai l'impression qu'un élément commun revient assez souvent dans des critiques négatives (voir très négatives) que j'ai parcouru : Je ne sais pas si c'est à cause de son auteur, de son parcours, voir de son "aura" ?... mais certaines personnes cherchent à mon avis trop à tout intellectualiser dans le cinéma de Leos Carax.
A trop chercher de la signification, du sens caché, voir... de l'hommage partout... On a effectivement toutes les chances de ne pas trouver dans ce film l'idée très (trop) précise qu'on s'en fait avant de le voir.
Apparemment, il semblerait aussi que ce film pâtisse auprès de certains de l'écho qu'il a eu à Cannes 2012 et de la grande attente de beaucoup, résultante de l'absence de production chez Léos Carax pendant les 12 années précédentes.


Pour ma part, ayant découvert ce réalisateur avec "Mauvais Sang" et n'ayant vu ensuite que "Les Amants du Pont Neuf" et son court-métrage "Merde", je ne lui attache aucune étiquette particulière (et je ne vois aucune raison de le faire)... de cinéaste intello ou autre, dont il pourrait souffrir ou bénéficier suivant chacun.
Je me suis juste laissé porter par ce film... et je crois que -comme souvent- c'est préférable à une analyse et une recherche de sens constantes. J'ai lu par exemple que certains y voient un "hommage au cinéma". Pourquoi un hommage ?... La première scène se passe dans une salle de ciné et l'acteur principal enchaine des rôles tel un acteur, donc ce serait un hommage au cinéma ?
Je n’arrive personnellement pas du tout à lui mettre cette étiquette ou disons plutôt que ça me semblerait trop réducteur face au large éventail d'idées qui fourmillent dans ce film.


Même si son scénario est très construit, "Holy Motors" tient un peu du fourre-tout, un OCDI (Object Cinématographique Difficilement Identifiable) dans lequel Léos Carax a mis beaucoup des choses qu'il aime : Son acteur fétiche, Denis Lavant, excellent dans ses nombreux rôles (comme d'habitude quoi). Paris, particulièrement la nuit, ville lumière pour laquelle l'auteur nous montre encore une fois son amour. Le cinéma, bien sur... pas besoin que le film en soit un "hommage". La vie aussi... et je pense que le réalisateur partage certainement avec son acteur fétiche cette soif de vivre la vie à fond, de vivre plusieurs vies et de vivre des choses fortes, intensément, des moments qui sortent du train train de la vie de tous les jours.
Mais aussi... et c'est ce qui m’empêche de prendre ce film trop au sérieux, je vois dans ce film beaucoup d'humour. Certains passages sont tristes et témoignent du pessimisme de l'auteur, mais je trouve ça contrebalancé par un humour, une dérision aussi présents. Comment ne pas sourire aux apparitions de Merde, à une scène d'amour en tenues de "motion capture" (même si la scène est en même temps très belle) ou encore à l'acteur qui se relève comme si de rien n'était après son dernier souffle tragique, sur le lit de mort.
Je crois surtout que ce film est clairement surréaliste, et qu'à ce titre, il me semble plus résultant d'une écriture libre, expression d'un imaginaire débridé, par l'humour (voir l'absurde), la dérision et dans lequel il serait une erreur de trop vouloir chercher un sens raisonné et une justification à tout.


Voilà.
C'est au final ce qui me plait le plus avec ce film (et je finirai par ça)... C'est qu'il s'en dégage une grande liberté. Liberté de ton, de forme, de propos.
J'ai toujours été étonné et déçu que l'art cinématographique se limite (au moins, pour ce qui est diffusé auprès du grand public) constamment à des histoires et à une narration extrêmement classiques et archi rabâchées.
On sait depuis bien longtemps que cet art peut être tellement plus, ou en tout cas... tellement plus varié et étonnant. Il suffit de repenser aux animations de Muybridge, à "L’homme à la caméra" de Dziga Vertov, à "Persona" de Bergman, "8 1/2" de Fellini.... ou encore au films de Chris Marker, Pierre Huyghe, à "Koyaanisqatsi" de Godfrey Reggio, aux animations sur pellicules grattées de Norman MacLaren... et à bien d'autres œuvres et artistes...
Pour se dire qu'un film peut aussi être autre chose (en mieux, en moins bien, en plus grand, en plus petit ... ?) que juste une histoire avec un début, un milieu et une fin et des acteurs qui jouent leurs rôles tout du long dans un univers logique et réaliste.


Attention... je ne dis pas qu'un film ne peut pas être génial avec une forme et une narration classique. L'histoire du cinéma a suffisamment de chef d’œuvres de ce type pour prouver le contraire.
Mais quel plaisir tout de même de voir un film comme "Holy Motors". Une oeuvre d'où se dégage une grande liberté et le sentiment que le réalisateur s'est avant tout fait plaisir, avec un minimum de contraintes.
Même si tout n'est pas égal, si tout n'est pas également réussi et si certaines scènes souffrent peut-être de longueurs... je trouve toujours rafraichissant de voir ce type de films.

Moot70
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le 16 mars 2019

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Moot70

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