Les analyses poussées consacrées à des réalisateurs comme Tsui Hark ou Ann Hui par la presse Française laissent à penser qu'on a une idée bien claire de ce qu'a représenté la nouvelle vague Hong Kongaise. Rien n'est moins vrai pourtant. Ces artistes talentueux font office d'arbres qui cachent la foret et, à coté de ça, peu nombreux sont ceux qui se sont intéressés aux autres membres du courant comme Alex Cheung, Allen Fong (souvent considéré comme le plus talentueux du lot) ou Clifford Choi.
Ce dernier a eu le parcours classique d'un réalisateur de la nouvelle vague : Etude à l'étranger, travail à la télévision de HK avant de passer à la réalisation à la toute fin des années 70. Ses premières armes de metteur en scène, il les fait grâce à une Shaw Brothers déclinante qui cherche à récupérer à son profit cette nouvelle orientation cinématographique. La plupart du temps, ces tentatives seront des semi échecs comme Twinkle Twinkle Little Star d'Alex Cheung ou Love In A Fallen City d'Ann Hui. Mais il y a également eu quelques réussites et HK, HK en fait partie.

Peu d'éléments laissent à penser qu'on est en face d'une production Shaw Brothers tant le film est éloigné de ce qui a fait la réputation du studio. Pas de vision idéalisée de la Chine mais une description très réaliste des conditions de vie de certains émigrés. Pas de décors luxueux et ouvragés mais des ruelles sombres et des appartements spartiates pour décors. Seule la présence d'acteurs sous contrats avec le studio (Cherie Chung, Alex Man) trahit son origine mais, pour le reste, Hong Kong, Hong Kong a toutes les caractéristiques d'une œuvre de la nouvelle vague.
Son sujet est une romance dramatique à forte implication sociale. Ce dernier point est un des éléments majeurs du label « nouvelle vague ». Choi nous décrit de manière crue et sans ambages une certaine réalité de la vie des émigrés Chinois venus à HK pour y trouver une vie meilleure. Leur quotidien est fait de travaux laborieux pour gagner de quoi survivre, de peur d'être attraper par la police, d'humiliations des locaux et de joies éphémères (principalement le sexe). Une atmosphère glauque et pessimiste très bien capté par Choi à travers une mise en scène naturaliste, sans recours à des effets dramatiques trop appuyés. Contrairement à ce qui sera la tarte à la crème du ciné HK, les émigrés ne sont d'ailleurs pas décrits comme des bouseux ignorants du monde moderne. Ce sont juste des gens normaux, aspirant à une vie meilleure et cherchant à s'intégrer dans la société sans pitié qu'est Hong Kong. Ce souci de description réaliste du mode de vie des petites gens n'est d'ailleurs pas sans rappeler les mélodrames cantonais des années 50, réadaptés à la situation moderne de l'ex-colonie Britannique.
Dans ce contexte, toute la partie consacrée à l'ascension d'Alex Man dans le monde de la boxe libre est parfaitement appropriée. Il s'agit pour le personnage du seul moyen d'extérioriser sa frustration liée à sa condition sociale et de se faire une place dans la société. Il ne gagne d'ailleurs pas ses combats grâce à une technique impeccable et élégante mais, au contraire, grâce à sa rage, sa volonté de s'en sortir. Peu importe alors les emprunts nombreux à Rocky. Ils sont même tout à fait cohérents au vu des proches thématiques des deux œuvres.

Mais, Hong Kong, Hong Kong, c'est aussi une histoire d'amour faite de passion et de désillusion. Une facette plus commercial du film mais qui n'en pas moins touchante et aussi soignée que le reste du métrage. Le nœud de l'intrigue romantique reste d'ailleurs lié à des considérations sociales. Qui Cherie Chung doit choisir entre Kwan Hoi San qui lui offre confort et assurance de pouvoir rester à HK et Alex Man pour qui elle éprouve une réelle passion ? Le triangle amoureux est classique mais les personnages sont bien écrits et parfaitement développés pour qu'on s'attache à leurs émotions.
Choi n'était pas vraiment content d'avoir comme acteurs principaux Cherie Chung et Alex Man (ce dernier surjouait trop à son goût). Pour autant, les deux comédiens livrent de très belles prestations qui permettent de vraiment croire à leurs personnages. Cherie Chung a rarement été plus touchante, n'hésitant d'ailleurs pas à se dénuder partiellement pour les scènes d'amour capitales à la bonne marche du récit (ce qui était osé pour une actrice Chinoise majeure). Man, comme souvent, en rajoute trop mais son surjeu est dans l'esprit de son personnage de jeune hargneux désireux de prendre sa revanche sur la vie. Kwan Hoi San, le dernier membre du trio, est bien loin des comédies dans lesquelles on a l'habitude de le voir et prouve quel acteur versatile il est. Son personnage est aussi crédible que celui de ses deux jeunes co stars, tour à tour misérable, tendre ou carrément détestable. Le reste de la distribution est professionnel, on notera tout particulièrement Charlie Cho dans un rôle sérieux. Incroyable mais vrai, l'acteur comique est parfait en manager véreux. La preuve irréfutable que Clifford Choi est un excellent directeur d'acteurs.

Excellent drame amoureux au propos social, Hong Kong, Hong Kong mérite d'être considéré comme une des meilleures œuvres que la nouvelle vague Hong Kongaise a pu nous offrir. Son réalisateur ne fera d'ailleurs jamais mieux par la suite.

Créée

le 1 mars 2011

Critique lue 710 fois

7 j'aime

4 commentaires

Palplathune

Écrit par

Critique lue 710 fois

7
4

Du même critique

Dune
Palplathune
8

Dune vision à l'autre

Minute introspective : J'ai découvert Dune (le film) ado. Étant sevré aux Star Wars, j'espérais voir un spectacle du même acabit. Évidemment, avec de telles attentes, le visionnage ne fut pas une...

le 18 avr. 2012

99 j'aime

13

Inferno
Palplathune
9

L'enfer du miroir

Dario Argento qualifie lui même Inferno de son film le plus pur. On ne peut que lui donner raison au vu du métrage, un véritable cauchemar éveillé, l'impression sur pellicule des obsessions les plus...

le 3 déc. 2010

56 j'aime

8