Chine, 1935. Alors qu’il fuit les révoltes chinoises à bord d’un avion, Robert Conway (Ronald Colman) et ses quatre compagnons sont victimes d’un crash dans l’Himalaya. Alors qu’ils perdent peu à peu espoir, ils se voient recueillis par un peuple mystérieux, qui vit reclus dans un pays caché et merveilleux, Shangri-La, un pays où tout le monde vit en paix et en harmonie.


La principale vertu de Capra, celle dont il a toujours fait preuve dans son cinéma, ce pour quoi on l’aime, c’est son humanisme un brin idéaliste et sa naïveté optimiste. Seulement, avec Horizons perdus, la naïveté propre à Capra se transforme en vice. C’est que, contrairement à la devise de Shangri-La, il ne l’emploie pas avec modération.
Après une première demi-heure digne du grand cinéma d’aventures à la Michael Curtiz, les personnages et le spectateur arrivent donc à Shangri-La, et c’est le moment où tout bascule. En effet, c’est l’occasion pour Capra d’ôter toute forme de rythme au récit en transformant son film en une succession de scènes censément contemplatives et profondes, qui ne se contentent en fait que d’égrener tous les pires clichés du registre utopique ainsi que du film romantique.
Ainsi, l’utopie mise ici en scène est d’une atterrante naïveté, se targuant de mêler en un gloubi-boulga informe une pseudo-sagesse chrétienne à une non moins pseudo-philosophie orientale, afin de nous dire que pour vivre dans la paix et l’harmonie, il faut juste que l’homme décide d’être bon et de renoncer à la violence. C’est bien mignon, mais c’est tout autant idiot… On croirait presque entendre M. Mélenchon (Capra me pardonnera) nous déclarer avec le plus grand sérieux que pour obtenir la paix, il faut arrêter les guerres ! Et ce n’est pas l’incroyable faiblesse d’écriture des personnages qui risque de me faire changer d’avis, ceux-ci, bien croqués de prime abord, se révélant des caricatures sur pattes à partir du moment où ils découvrent Shangri-La (le Chinois sage et philosophe qui s'appelle Chang, j'en ris encore...).
Il est dommage que le film ne s'étende pas plus (quoiqu'il les mentionne tout de même) sur les aspects bien plus intéressants et assez ambiguës de ce pays utopique, qui, pour accéder à la paix et à la perfection, cherche à couper tout lien avec le monde, en utilisant des frontières bien plus infranchissables qu'un simple mur entre deux pays, et qui pratique un élitisme très peu compatible avec les valeurs démocratiques de notre monde actuel. Sans compter l'aspect très peu politiquement correct d'une utopie qui découle entièrement de la colonisation d'un pays par un prêtre belge... Dès lors, l'utopie irréalisable est-elle à chercher du côté de Shangri-La ou bien des conceptions de nos sociétés contemporaines ? Mais malheureusement, Frank Capra ne s'étend pas du tout assez sur le sujet, privilégiant une intrigue insipide au détriment de questionnements qu'il place d'office au second plan, alors qu'ils auraient pu, qu'ils auraient dû constituer le centre du récit.
En-dehors d’une première demi-heure réussie, reste tout de même que la montagne a rarement été aussi belle que devant la caméra de Frank Capra (superbe photographie de Joseph Walker), et que quelques légers éclats d’humour, dus à l’excellent duo Thomas Mitchell-Edward Everett Horton, nous font plus ou moins passer le temps. A part ça, c’est long, c’est vain et complètement superficiel. On pourra, si on veut, mettre cela sur le compte des nombreuses amputations successives que connut le film - que la restauration de 1973 ne comblera qu’en partie - mais ça n’enlève rien à la vacuité du propos.

Tonto
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le 31 mai 2017

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