Au petit jeu du slasher faussement provoc, Hostel premier du nom s'est posé en maître dans l'art de brasser du vent : entre un scénario cousu de fil blanc, des personnages stupides et une angoisse trop artificielle, il ne restait pas grand chose de cette idée initiale de traumatiser le spectateur par des idées, des actions dérangeantes. Même les images, dont la portée était amoindrie par une mise en scène complaisante et paresseuse, n'ont pas eu l'effet choc espéré : en fait de film d'horreur Hostel fut surtout une tentative un brin péteuse de capitaliser sur un sujet somme toute relativement crétin. Cet aspect "tiré de faits réels", Hostel deuxième a la bonne idée de le renier ; l'humilité de repartir sur de nouvelles bases en abandonnant les plus évidentes tares de son prédécesseur. Roth adopte un autre angle d'attaque, évacue l'aspect pompier pour retrouver un style plus "roots" touché du doigt dans Cabin Fever. L'horreur n'est plus au service du choc mais du récit ; s'inscrit dans un canevas narratif plus que polémique. L'atmosphère qui faisait simplement défaut à son aîné devient un élément de premier plan : dans les lieux d'abord, allégories bizarres et un peu lunaires d'un road-trip rêveur. La caméra se resserre autour du trio d'héroïnes dans des espaces qui passent de l'ouvert au confiné ; de l'Europe solaire et clichetonneuse à un autre espace-temps synonyme d'aventure et d'angoisse, un exotisme un peu vintage dont l'efficacité tient précisément à l'obsession de presser jusqu'à la dernière goutte un train de nuit, une kermesse de village, une promenade en bateau. On est dans le cliché qui s'assume ; mieux, qui se revendique, qui se construit autour de sa propre volonté d'enfermer le spectateur dans une bulle hors du temps et du monde. Comme au théâtre, la tension s'y gère par actes, la progression relève d'une logique de scène plus que d'action où chaque décor agit comme un personnage au moins aussi fort que les vivants.

Le film se découpe comme une pièce dont les sections pourraient fonctionner indépendamment, brosse des situations convenues dont la puissance est décuplée par la fidélité du réalisateur à des ficelles intemporelles qu'il n'a jamais aussi bien employé. Cela passe par les lieux donc, mais aussi par des sons, par des éclairages, par des photos presque désuètes qui recouvrent tout le film d'un voile irréel. Débarassée de ses tics "teenage" l'introduction se déploie, sur la durée, dans des espaces étranges et magnétiques qui oscillent entre rêve et cauchemar. La scène d'ouverture (brillante) expédiée, on nous enferme dans un train qui file vers une destination inconnue, dont les fenêtres ne montrent rien d'autre que la nuit et où pourtant la vie bat son plein ; on y fait la fête mais un drame se dessine par touches subtiles, tandis que la caméra louvoie d'un wagon à l'autre, multipliant les micro-séquences purement atmosphériques pour poser les bases de l'horreur à venir. On y vit un voyage au sens propre, le début d'une virée dans un enfer bizarre, une virée à la fois littérale et symbolique, comme si on était prévenu que l'on se dirigeait vers une fiction cette fois sans compromis. Quand l'horreur débarque elle frappe plus efficacement que dans le premier, simplement parce qu'elle se passe d'emphase inutile. Le scénario change de direction, se lance sur deux tableaux où l'on suit en parallèle les victimes et les bourreaux. Cette dualité est brillante car dépourvue de cette obsession de choquer qui pénalisait autrefois Roth ; les sentiments viennent naturellement et explosent encore mieux au moment du coup de théâtre. Ce sont des mécaniques un peu naïves mais parfaitement intégrées à l'ensemble, comme s'il ne s'agissait plus de faire son malin mais simplement de raconter une histoire, dont la clarté confine à une sorte de symbolisme émouvant.

On est dans Hostel II comme dans une bulle, ramené à des frissons purement sensoriels qui sur la fin parviennent sans effort à titiller l'esprit ; on finit réellement par s'attacher à ces drôles de personnages, tant méchants que gentils, où chacun fait mine de se ranger dans une case pour dévoiler, à un tournant majeur de l'histoire, une personnalité inattendue. C'est une logique de série prime-time, quasi téléfilmique (on y retrouve d'ailleurs des stars du petit écran) pourtant le résultat est incroyablement grâcieux, immersif, authentique. Ce sont l'alchimie bizarre et rare entre l'harmonie des scènes, l'élégante désuétude de l'image (couleurs sublimes et envoûtantes), cette obsession permanente d'épuiser les possibilités de la moindre séquence qui donnent à Hostel II son identité si particulière. On traverse le film comme un univers quasi-extraterrestre qui jamais ne sacrifie à la cohérence ni à l'atmosphère. C'est en fait, précisément, un film d'atmosphère, le premier de Roth entièrement assumé. C'est un petit chef d'oeuvre de maîtrise et de maturité, un voyage étrange hors du temps et de l'espace où se meuvent des figures archétypales dans des situations puissamment évocatrices. On n'en retire ni morale, ni traumatisme ; simplement la sensation de s'être promené dans des ténèbres dont on ressort un peu sonné mais, paradoxalement, sauf. Comme dans un conte.
boulingrin87
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Créée

le 27 août 2012

Modifiée

le 27 août 2012

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Seb C.

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