Le western depuis quelques années s’attache à pointer l’envers du décor, et si l’histoire de l’Amérique, de la spoliation des terres indiennes et de la prise de conscience des ravages de la colonisation donne bien souvent matière à des grandes envolées et puissance de narration, le metteur en scène n’ose finalement pas grand-chose. Tout est bien qui finit bien, compassion et quête de rédemption atteintes et réussies.
Car il s’agit bien du passage obligé à une prise de conscience et à un monde qui change auquel s'adapter. La fin d’une époque bénie où l’on pouvait massacrer avec bonheur les races inférieures avec la bénédiction de l'Etat, et la remise en question douloureuse de ses bourreaux. L'idée est intéressante mais tentera sans succès de pointer les contradictions par manque de profondeur et d'un scénario qui semble avoir oublié son propos.
Pas de justification de guerres, seuls des personnages en prise avec leurs actes passés qui devront évoluer avec leur temps. Les indiens parqués seront libérés et les soldats devront laisser derrière eux les années de servitude à la cause.


Le massacre de Wounded Knee date de deux ans à peine. Nous sommes en 1892, à l’aube de la révolution industrielle et les guerres indiennes tirent à leur fin.
Un capitaine sans scrupule, devenu garde chiourme, sera forcé d’escorter un chef indien qui, malade, est autorisé à rentrer sur ses terres. Blocker (Christian Bale) et Yellow Hawk (Wes Study).
Léger moment hors du temps ponctué par des attaques de Comanches, où leur solidarité leur permettra peut-être de s’accepter enfin et interroge sur notre rapport à l’autre.


Scott Cooper aura réussi son image. Poétique et pessimiste, mélancolique et délétère aux fulgurances contemplatives, en hommage au western crépusculaire mais qui use d’une certaine redondance de scènes et de dialogues, ne lésinant pas sur les ambiances de nuits et autres feux de camps, propices aux épanchements.
Le manque de rythme et de dynamisme appuyé par ces longues discussions qui viennent ponctuer régulièrement les scènes à la limite de l’overdose, sur le temps passé, le racisme, les pertes d'êtres chers, a du mal à nous transporter et l'ensemble finit par manquer de fluidité. La première partie du film reste la mieux rendue et nous rappelle aux grands moments westerniens et à ses ambiances sèches et abruptes. Et à travers les grands espaces du Nouveau Mexique vers le Montana, la caméra capte tous les changements de paysages, des espaces arides, en passant par les montagnes et les collines verdoyantes, servies par une photographie qui magnifie tous ces grands espaces.


Mais hélas, tout un melting-pot de rencontres désagréables, attaques expédiées, Comanches rebelles et revanchards, qui persisteront à tuer tout ce qui bouge, symbole de la sauvagerie, trappeurs malintentionnés, soldat psychopathe, victime lui-même de son époque, rancunier et raciste pour un effet miroir de notre capitaine... et finir en beauté, avec des propriétaires terriens que l’on achèvera au couteau, façon Cheyenne, métaphore quelque peu excessive au retournement moral de Blocker.
Toutes ces scènes qui disparaissent aussi rapidement qu'elles interviennent, on l’aura compris, existent pour bien signifier que l’important n’est pas là mais bien dans ces rapports d’hommes et de femmes confrontés à l’adversité de leurs propres vies et comportements. Mais du coup se révèlent accessoires.


Tous les thèmes abordés sont déjà vus, la plupart des westerns surfent sur le même modèle, mais ici, ils ne se relèveront pas d’un manque d’originalité et d’un point de vue didactique.
On ne ressent aucune empathie ni et à aucun moment, les affres de la douleur ou du questionnement que chacun peut se poser, tout est si vite expédié que ce qui ressort finalement sera une simple romance plutôt mièvre par ailleurs.
C’est bien les caractérisations manquées et les performances d'acteurs limites, voire mauvais, sans finesse, qui signent le fiasco.
D'autant que seuls deux personnages seront mis en valeur, Quaid loupe le côche à nous démontrer toute sa rage, et celui de Blocker pour le paradoxe. Sans oublier les seconds rôles de soldats, pour des prises de conscience improbables. Et le comble, d’une intrigue censée mettre en valeur le peuple indien, le petit groupe ne sera que figuration et cliché.
Les guerres indiennes elles-mêmes (Cheyennes/Comanches) ne sont qu’effleurées -et de toute façon n’amèneraient rien de bien nouveau, si tant est que l’on connaisse un peu l’histoire-.

De même, avancer l'idée que l’estime réciproque entre le chef indien et le capitaine, intervienne du fait d’avoir vécu les mêmes pertes, est tellement bateau et léger voire niais, que le doute gagne définitivement.


Quaid (Rosamund Pike) est encore une fois le faire valoir féminin…sans grand intérêt que de servir le romantisme par le sauvetage de la veuve dévastée. Avis aux romantiques.
Hurlant après les indiens, pour ensuite mettre une robe offerte par la tribu, se faire faire des tresses, faire la vaisselle avec ses nouveaux amis, tirer balles sur Bale (ben oui instant défouloir...) sur un indien mort, regarder froidement et longuement, et de très près (arrêt sur image) un autre Comanche pendu... et tombera amoureuse après le massacre de sa famille, de notre beau et ténébreux capitaine,.tout ceci aussi promptement que l’arrivée de l‘orage, que la perplexité nous gagne. ..
Tout comme Christian Bale qui de mémoire, n'a jamais été aussi emprunté à jouer d’expressions de dureté, personnage renfrogné à la mâchoire serrée et l’œil torve mais pourtant absent... ou humide face à tant de misère, pour un retournement de conscience tout aussi rapide...Erudit, lecteur assidu de Jules césar et sa conquête des gaules, qui ne lui aura jamais permis d’utiliser le savoir, comme élément fondateur à la réflexion avant que n'arrive sa rencontre avec le chef indien et Quaid.
Le final boucle la boucle romantique et assure l'optimisme du renouveau.


Le cinéaste valorise sa forme au détriment de son fond. Peu de subtilité dans le propos, et un scénario qui bâcle les enjeux bien connus de ce pan d'histoire et d’une Amérique qui n’en finit pas de rejoindre le passé par son actualité.

limma
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le 28 avr. 2018

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limma

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