Fin du 19° siècle, un capitaine des tuniques bleues (Christian Bale) se voit confier pour mission l'escorte de l'un de ses plus éminents anciens antagonistes (Wes Studi), pour, on le devine, apaiser les relations entre natifs et américains.
Lui comme le chef indien malade ont perpétré des crimes inhumains dans la fureur de la conquête de l'ouest et partagent une vive inimité.


Extirpé de sa prison spartiate au Nouveau-Mexique pour être libéré dans son Montana natal, Yellow Hawk entame sa marche funeste en compagnie de sa famille et de son escorte militaire.
Alors que débute une longue expédition expiatoire, le convoi croise la route de Rosalie, victime des atrocités d'une guerre qui n'a que trop durée.


S'éloignant dès l'incipit de la recette éculée du western américain classique, hypocrisie fondatrice d'une nation toute entière bâtie sur le sang, Hostiles est un western rugueux.
La mutation d'une société qui a désormais plus besoin de gardiens de prisons que de bouchers est allée beaucoup trop vite pour ces anciens héros sanguinaires.
Rancœurs et rancunes sont encore bien tenaces, mais Joe, impavide, conduit son expédition de fortune, relevant petit à petit le voile sur l'épuisement qui le caractérise lui et ses anciens compagnons d'infortune.
Le masque se fissure peu à peu, révélant quelques artefacts d'humanité et une mélancolie viscérale, alimentée par les miasmes des cadavres, amis et ennemis, que l'on devine hanter leurs moindres pensées.


Mais le râle des générations sacrifiées se prolonge dans la fureur et les larmes des tragédies ordinaires.
La route est longue, les embûches nombreuses et la mort reprend son dû au moindre détour d'un récit profondément nihiliste.
À mesure que s'amenuise le convoi, le deuil s'alourdit. Rosalie et Joe enterrent lentement les derniers vestiges de leurs anciennes vies et tentent de se réinventer, malmenés par les voies brutales et impénétrables d'une divinité qui semble les avoir abandonnés depuis bien longtemps.


Croiser la route d'un ancien compagnon de massacre permet à Joe de comprendre toute l'horreur d'une posture qui fut sienne une poignée de jours plus tôt, et de faire la paix avec ses démons.
Jusqu'à la résolution de l'ultime confrontation, issue barbare d'une accumulation de tension particulièrement éprouvante.
Comme le laisse deviner l'exposition, il n'y aura pas de rédemption.


Profitant d'une réalisation solide et de décors splendide, Hostiles est une épopée glaçante et particulièrement crépusculaire.
Ficelle essentielle du Western, la mise en valeur des étendues sauvage, passe ici par d'incontournables plans larges qui flattent la rétine et quelques travelling verticaux qui apportent une dimension supplémentaire à cette insondable immensité. La photographie, particulièrement réussie, offre une multitudes d'ambiances particulièrement envoutantes, que les scènes soient cramées sous un soleil de plomb, crépusculaires ou nocturnes. Le film n'oublie pas d'aménager quelques respirations contemplatives assez Mallickiennes, faisant de cette nature belle et sauvage un personnage changeant essentiel à la conduite du récit.


La performance des acteurs n'est pas en reste, qu'ils s'agissent de mettre en scène de sordides fils de putes ou d'innocents brisés par un monde impitoyable. Christian Bale réussit à apporter beaucoup de subtilité et de retenue dans son jeu, et sait exploser quand le script le lui permet. Rosamund Pike, sublime garce psychopathe de Gone Girl, démontre qu'elle est aussi tout à fait capable de porter tout l'arc de développement complexe de son personnage.


Tout n'est pas parfait cependant et je formule mes principaux reproches à l'encontre de l'écriture des deux personnages principaux, dont les évolutions sont à mon goût assez peu subtiles et précipitées. J'ajouterais également à cette (très) courte liste la musique, un poil trop solennelle sur le dernier tiers du film alors qu'elle accompagnait parfaitement le long métrage jusqu'alors.


Malgré tout, Hostiles est un bon représentant contemporain du genre qu'il m'est très difficile de ne pas recommander. En jetant un œil à l'affiche française, il m'est difficile en revanche de comprendre quel type d'ahuri peut balancer que le genre n'a rien reçu de comparable depuis Impitoyable (Voir ma liste des meilleurs western contemporains)

YvesSignal
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le 3 juil. 2018

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Yves_Signal

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