Au fin fond d'une vallée obscurcie de tristesse, dans la lourde chaleur d'un soir d'été, se tient une ombre gigantesque et calme, à quelques centimètres d'un cours d'eau. Aucun souffle dans l'air, pas même le bourdonnement habituel des nombreux insectes, voletant dans le coin. Les pieds de l'homme à la peau de cuivre impriment sur les brins d'herbe qu'ils foulent, une marque irrévocable. Marque brûlante de haine que le Cheyenne porte comme une seconde peau. Les fourrés tremblent, un homme en sort lentement. Sa figure, rayée par des lignes obscures, ne laissait rien transparaître de bon ou d'avenant. Deux yeux sombres, comme la nuit, fixent l'indien, sans sourciller. Quelques centimètres en dessous des deux points fous, frôlant un nez droit et dur comme la pierre, tombaient les deux bras d'une moustache noire : on eut dit qu'ils cherchaient à rentrer sous terre, pour se planquer..
L'indien ne bougeait pas et fut bientôt rejoint par le capitaine. Silencieusement, ils marchent le long de l'eau, leurs épaules se frôlant parfois. Au dessus d'eux, leurs âmes, moites de sang, tournoient à pleine vitesse, coupant net les reflets du Temps.
Ils n'ont pas besoin de remuer les lèvres pour se comprendre puisque tous deux sont forgés du même matériaux.
Les multiples duels qui parcourent le film n'ont rien en commun avec le classique dégainage de flingue entre deux mecs couverts de sueurs au beau milieu d'une ville en émoi. Non. Les protagonistes d'Hostiles se battent à coup de regards, se glacent mutuellement les veines à la force des mots, et surtout, surtout, se disent beaucoup en taisant tout.
Ce qu'Hostiles réussit le mieux, en dehors de quelques scènes d'action franchement plaisantes, c'est à "placer" ses personnages et leur donner une consistance. Le réalisateur joue avec l'espace et laisse une part de choix à la nature pour qu'elle s'installe, à chaque plan, complètement dans le cadre et puisse guider, à sa manière, les protagonistes.
Plaine dégagée propice à une attaque sanglante, petite clairière moelleuse en guise de chambre nuptiale, poussière aride et sèche comme sol pour éponger la honte, autant de lieux et de matières enclins à recueillir et réfléchir les souffrances de ces êtres torturés. Mon esprit est trop faible, la colère m'a rongé - et dans les bras de la veuve aux cheveux d'or, j'essaye de retrouver la raison.

KiidCathedrale
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Ciné 2018, je ne prends pas la fuite

Créée

le 1 avr. 2018

Critique lue 358 fois

3 j'aime

4 commentaires

KiidCathedrale

Écrit par

Critique lue 358 fois

3
4

D'autres avis sur Hostiles

Hostiles
Behind_the_Mask
9

Retour à la terre

Histoire d'un aller simple, Hostiles s'impose comme une ode au genre western qu'il investit, qu'il anime, qu'il magnifie. Scott Cooper a tout d'un grand et continue de questionner, tout au long de sa...

le 14 mars 2018

99 j'aime

18

Hostiles
Sergent_Pepper
7

« We’ll never get used to the Lord’s rough ways »

“The essential American soul is hard, isolate, stoic, and a killer. It has never yet melted.” La citation de D.H Lawrence, en exergue, et reprend le flambeau du grand western : coucher sur un papier...

le 15 avr. 2018

89 j'aime

6

Hostiles
guyness
7

Huns partout, Bale au centre

Aïe aïe aïe... Il ne faudrait surtout pas que la suite de la carrière de Scott Cooper soit calquée sur les dernières vingt minutes de son film. Le garçon est capable de fulgurances, on le sait depuis...

le 21 mars 2018

88 j'aime

44

Du même critique

Enfants terribles
KiidCathedrale
8

Remords d'une ombre

Les bras croisés sur son torse nappé de miel, un jeune garçon songe à la mort. Encerclé par des dizaines de mains cramponnées à des stylos, grattant lignes sur lignes avec fureur, il se sent comme un...

le 11 mai 2017

21 j'aime

1

Disco Elysium
KiidCathedrale
9

La solitude du buveur de plomb

Déjà, la ville prenait les tonalités rose-et-bleu du crépuscule - la nuit l'épiait, prête à lui sauter dessus, de toute sa force lunaire. Son pied heurta une bouteille vide, symbole d'une existence...

le 19 nov. 2019

12 j'aime

3

Snowpiercer - Le Transperceneige
KiidCathedrale
1

Train en plastoque

L'arche métallique dévore des kilomètres de rails aussi frénétiquement que les crasseux du dernier wagon leurs protéines gluantes. Sous la dent malicieuse d'un gamin joueur, une balle, évident...

le 4 janv. 2014

10 j'aime

4