Hot Girls Wanted
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Hot Girls Wanted

Documentaire de Jill Bauer et Ronna Gradus (2015)

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Chez Netflix, ils sont malins. Ils ne mettent pas de porno, mais ils proposent un placebo : un documentaire sur le porno.


Sauf qu'il a un effet secondaire possible : ôter l'envie de regarder des films pornos.


Car ne vous attendez pas à du sexe. A la rigueur, verrez-vous de discrets tétons et quelques fesses. Franchement, un clip de Nicky Minaj est beaucoup plus suggestif.


Car, ne vous y trompez pas, ce film présenté au festival de Sundance a pour objectif de sensibiliser les plus jeunes et leurs parents à la dangerosité de l'Internet pornographique. Il est le résultat du travail de deux anciennes journalistes du Miami Herald.


Un autre nom ressort au générique, assez inattendu : Rashida Jones, actrice dans série Parks and Recreation. Elle produit ici son premier film.



«Il était temps d'enquêter sérieusement sur ce secteur particulier de l'industrie pornographique.» (Rashida Jones)



Voilà pour les préliminaires. Et après ?


Le documentaire annonce d’emblée :



« Chaque mois, davantage de sites pornographiques sont visités que le sont Netflix, Amazon et Twitter combinés. »



Jusqu’ici, rien de nouveau sous le soleil de Miami. Le documentaire commence assez mal, avec un montage épileptique et quelques poncifs. Puis viennent les témoignages.



« Je gagne 900 dollars pour cinq heures de boulot, et je devrais rentrer chez moi pour travailler à 8,25 dollars de l’heure ? » (Rachel, Ava Taylor pour son nom de « scène », jeune recrue qui n’a que dix jours d’expérience)



Voilà l’intérêt de ce film : ces jeunes femmes de 18-19 ans qui parlent librement de leurs expériences. Au-delà des conditions hallucinantes de tournages, deux points m’ont frappé dans cette succession de témoignages.


Tout d’abord, un bruit parasite, qui énerverait n’importe quel réalisateur de documentaire et l’obligerait à refaire les prises indéfiniment : les notifications sonores des smartphones. Sauf qu’ici, ce parasite constitue le cœur même de l’histoire. Ces jeunes femmes sont recrutées sur Internet, sont diffusées sur Internet et (se) vendent leur image sur Internet. Cette omniprésence d’Internet est une des clés de compréhension.


Mais le grand réseau mondial n’est qu’ici le moyen et pas la mère de tous les vices. Vient ici le deuxième point qui m’a marqué : cette similarité des profils. Les « actrices » veulent juste quitter une adolescence mal dégrossie et s’affranchir du giron parental. Et pour ça, il leur faut du fric. Et il n’y pas d’argent plus facile que le porno, en tout cas en apparence. Sauf que le paradoxe pointé dans le film est que le porno amateur les renvoie vers la catégorie « Teen », celle-là même qu’elles essaient de quitter. On apprend au passage qu’une augmentation mammaire fait basculer dans la catégorie MILF (Mother I would like to fuck). Dans ce monde désenchanté du porno, la maternité s’acquiert pour quelques grammes de silicone.


Tout a un air de désillusions perdues. La gloire est éphémère (une fille en amateur a une carrière moyenne de 4 mois). La liberté et la confiance en soi s’effondrent rapidement quand la famille s’en rend compte. Et l’argent n’est pas si facile que ça.



« En quatre mois, j’ai gagné 25 000 dollars. Mais on se laisse aller à la dépense. A l’arrivée, je n’avais plus que 2 000 dollars. » (Tressa)



Au final, ces jeunes femmes perdues vivent une deuxième adolescence.


Toutefois, pour moi, le personnage principal reste Tressa (Stella May à l’écran). Certes, elle incarne une certaine image de la rédemption, si appréciée aux Etats-Unis. Mais je suis surtout marqué par son rapport à la caméra, au sens le plus large, qui a fait sa « gloire » et sa chute.


Tout d’abord, il y a bien entendu la caméra qui la filme dans des ébats plus ou moins conventionnels. Puis, il y a ces petits films faits avec un smartphone. On ne se sait pas si ils sont destinés aux réseaux sociaux ou à elle-même. De courtes séquences qui ouvrent vers l’intime. Pas celui de son corps, professionnalisé, mais celui de sa vie sentimentale et même médicale. Et enfin, il y a la caméra du documentaire. Car, quand Tressa décide d’arrêter le porno, ce n’est pas seulement sous la pression de sa mère et de son petit-ami, c’est aussi sous l’œil des documentaristes. Une rédemption texane digne de Strip-tease.


Je regrette toutefois que ce film n’aille pas plus loin. De forme assez classique, fondé sur le récit, ce documentaire mérite de donner plus que des chiffres sans source. Tout d’abord, les réalisatrices n’expliquent à aucun moment ce qui distingue le porno « amateur » du porno « classique », sachant que les amateurs sont payées. Ensuite, j’aurais aimé savoir s’il existe des chiffres sur le nombre de nouvelles « actrices ». Combien de jeunes femmes entrent dans le marché chaque année ? Des dizaines, des centaines, des milliers ? Bref, quelle est l’ampleur du phénomène. Ensuite, il aurait été pertinent d’apporter quelques éclairages psychologiques, sociologiques et économiques. Si Hot Girls Wanted a cette qualité d’apporter des témoignages forts, le documentaire manque d’épaisseur pour être vraiment bon.

Caledodub
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le 23 mai 2016

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