Lorsque Ko Young-hwan (Ki Joo-bong) se réveille, un monde doux et éclatant se déplie devant nos yeux. La neige magnifiée par le noir et blanc d'Hotel by the River embrasse l'ensemble d'un paysage vaste et réconfortant. Un lieu paradisiaque aux allures rêvées pour un repos mérité, ou s'avouant comme le symbole d'un portail vers l'ailleurs. Une fin de course, un dernier rempart pour aimer. Il suffit que le vieux poète rencontre deux femmes interprétés par Kim Min-hee et Song Seon-mi pour comprendre que ce voyage métaphysique et magnifique ne s'établie pas par hasard. Une pensée qui se conjugue parfaitement avec les propos d'une des deux anges frigorifiée par les froides étendues : «La neige ne tombe jamais par hasard».
Dans Hotel by the River, Hong Sang-soo dessine dans sa somptueuse simplicité les adieux d'un poète au réel qui l'admirait si bien. Sentir la fin d'un cycle venir et ainsi, invité ses enfants perdus de vue pour une dernière enlacade verbale, constitue inévitablement l'élan vers lequel cet hôtel près de la rive porte ces protagonistes au cœur d'un lieu fait pour les âmes égarés, brûlés par la perte amoureuse. Un lieu enneigé se constituant comme un passage pour certains, et un lieu de fin pour d'autres. Rattraper le temps perdus, léguer sa passion, son savoir, sa confiance aux êtres que l'on aiment tant et ainsi, avec ou sans difficultés, pouvoir partir l'esprit tranquille vers une suite spirituelle. Il résonne dans Hotel by the River comme une sensation de flottement. Une impression de juste milieu d'un corps tiraillé entre la terre et le ciel. La fatigue, le sommeil, les regards et les mots des personnages agrémentent un véritable fleuve conduisant la nouvelle oeuvre d'Hong Sang-soo vers une apogée, telle une cascade à la fin du cours d'eau : la tragédie libératrice.