How It Ends
4.4
How It Ends

Film DTV (direct-to-video) de David M. Rosenthal (2018)

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La Route de la Furie d'Eli est une légende, en version Bis

J'avoue que je n'avais pas vu la bande-annonce, seul le pitch, et, bien sûr, l'affiche, et je dois reconnaître que je m'en étais retrouvé bien hypé, c'est pourquoi je me suis décidé à mater ça.


J'avais déjà copieusement froncé les sourcils devant la roublardise de Netflix en regardant Annihilation, qui avait tout de même le bonheur de proposer des choses (et pas des moindres). Cette fois-ci, ladite roublardise, devenu principe créatif à part entière (et apriori, unique) m'a donné envie de hurler.


Tout y est facile.


D'abord, l'opportunisme de la production, qui capitalise sur les road movies apocalyptiques à succès, La Route, Mad Max Fury Road, Le livre d'Eli et Je suis une légende. Ca ne poserait pas outre mesure de problème, si ce film n'était pas un film de producteur(s) avant d'être un film de genre: car il est patent que la prod' ne s'est pas donné la peine d'essayer de comprendre la logique des codes du genre post-apo (et du sous-genre que constitue le road movie post-apo); dès lors, le rattachement au genre relève au mieux d'un choix esthétique vide de sens, et plus vraisemblablement d'une simple note d'intention aux viles visées vénales.


L'apo lui-même, à petits bras, se cantonne à la côte ouest, où l'électricité semble coupée, avec un épicentre du côté de la Bay Area. J'aimais bien cette idée d'une mystérieuse coupure de courant, qui permettait d'éluder le pourquoi au profit du quoi et du comment, un peu à la manière de La Route, qui, à mon sens, faisait ça bien. Le problème, c'est que la catastrophe est cantonnée à la côte ouest, et n'est matérialisée qu'en creux (impossible de joindre qui que ce soit au téléphone), mais pas en plein (pas de flots massifs de réfugiés, pas de pillages alors que ce sont des manifestations quasiment immédiates de catastrophes de grande ampleur). Dès lors, le film échoue à créer une tension avec son sujet, car la catastrophe est "molle". Si, bien entendu, on assiste à quelques explosions de violence, elles se cantonnent à un niveau purement individuel, ce qui limite encore la portée de quelque chose qui devrait être démesuré pour faire vibrer le spectateur.


On assiste dès lors au déroulé d'un road-movie post-apo d'une exécrable paresse: linéaire, sacrifiant à tous les lieux-communs usé du genre (les milices matérialisant le repli communautaire, forcément malveillantes, quelques hors-la-loi ultra-violents en recherche d'essence, n'hésitant pas à appâter les héros avec une femme en détresse), avec des obstacles qui s'enchaînent les uns après les autres avec une régularité de métronome, chaque situation étant réglée par un enchaînement d'actions appropriées avec le bon item, comme dans un bon vieux point-and-click dénué d'imagination. Certaines situations, comme la baston sur le pont avec les motards et les pickups, ne sont possibles que grâce aux réactions totalement irrationnelles des personnages, qu'un deus ex machina ("Il n'y a pas d'autre chemin possible.") peine à justifier.


Et les personnages... Parlons-en, tiens, des personnages! Ils se résument, en pratique, à deux: le héros, jeune, blanc, avocat, futur mari et futur papa (et c'est à peu près tout ce qu'on sait de lui), et son beau-père (Forrest Whitaker, a minima mais il fait le boulot), noir (ce qui n'a absolument aucun impact sur l'histoire), riche, hostile à son gendre avec lequel il finira par se rabibocher avant de mourir, dans une séquence qu'aura anticipé - dans la plus grande indifférence - le public, tant elle est téléphonée. Pourquoi indifférence? Parce qu'au final, son apport à l'action est de débloquer les situations les plus cruciales avec du fric ou son flingue. Un personnage trumpien par excellence, que le choix d'un acteur noir aura permis d'adoucir. Sinon, globalement, c'est un gros con. La belle-mère existe à peine, et doit avoir en tout et pour tout vingt lignes de texte, et la future épouse et maman ne semble pas plus caractérisée. Bref, on se fout de tout ce beau monde, à une exception près: Ricki, la garagiste, seul personnage féminin caractérisé, seul personnage fouillé, de toutes façons, et incarnée par une actrice qui m'était jusqu'alors inconnue: Grace Dove, que j'ai trouvée charismatique et touchante. Seulement, son destin est celui d'une anomalie dans un ensemble cohérent: fouillée, presque crédible, le film ne sait qu'en faire, et n'en fait donc rien. Elle part comme elle est venue, et l'on se rend compte que le film n'aurait que très peu varié si elle n'avait pas existé.


C'est sans doute conscient de ses limites somme toute très étroites que le film cherche à créer artificiellement de la tension, par des assauts répétés, par exemple, mais aussi en nourrissant un mystère de pacotille autour de la nature de la catastrophe elle-même: au cours d'une vision entre le héros (sur la côte est) et sa femme (restée à Seattle), on entend un genre de tremblement de terre. Et puis, on voit passer des avions de chasse (très mal faits) partir en reconnaissance. D'autres avions militaires sont vus en train de flamber sur un tarmac, sans doute à la suite d'un crash. Et puis, il y a ces mystérieux orages (en réalité très classiques, il y en a de bien pires dans le Midwest, mais ça, faut pas le dire). Ces événements ne sont perçus comme inexplicables que par le truchement des personnages, qui expriment leur perplexité, mais aussi affichent leur manque d'érudition et d'imagination (quoi de mieux, pour obtenir rapidement des vues aériennes d'une zone sinistrée et isolée que des avions de chasse?), alors, pour brouiller encore un peu plus comme le dirait le chevalier gallois, on balance encore 2-3 pistes à la con, comme la boussole qui s'affole, la perte du signal GPS (parce que la couper d'électricité sur terre touche aussi les satellites géostationnaires, maintenant?), ou un PNJ qui laisse échapper que "ils disent que c'est quelque chose dans l'air". Au final, l'explication de tout ce bordel tient dans une (des?) super-éruption, sans doute liée à la faille de San Andreas.


C'est con, n'empêche: avec un scénario, et quelque ambition artistique, si modeste fût-elle, on courait, avec un tel sujet, au bon blockbuster-cata. Mais, il a fallu que le film se fourvoie avec une ténacité qui forcerait l'admiration si elle n'était pas seulement affligeante, dans un soi-disant post-apo qui n'en a que les codes mais pas la substance. Mais, il faut capitaliser sur un genre remis au goût du jour par un de ses artisans majeurs (George Miller), plutôt que sur le cata-volcan, dont l'aura a été ternie par les railleries suscitées par la grossièreté des ficelles de films du genre.


Pour résumer, How it ends se plante, car, in fine, il ne raconte rien de particulier, singe les classiques du genre sans trop savoir ce qu'il fait, mis à part que ça peut faire vendre, ne cherche même pas à dépasser le strict minimum du cahier des charges pour proposer quelque chose de personnel à défaut d'être neuf, et sabote méticuleusement tout ce qui pourrait lui donner de l'intérêt (le personnage de Ricki, la mystérieuse panne électrique qui aurait pu être un motif intéressant, mais qui n'est que la conséquence d'une "banale" catastrophe naturelle de grande ampleur). Le retour aux effets faciles énoncés ci-dessus, demi-jumeaux du jump scare putassier des films d'horreur, l'affiche avec le héros portant un masque intégral (suggérant une menace NRBC plutôt que les cendres du volcan) et le titre, évoquant une fin globale sont autant de tromperies sur la marchandise trahissant l'ambition cupide des studios.


Au moins pouvait-on trouver, dans les sous-produits italiens des années 70 et 80 naviguant dans le sillage de films à succès, une énergie, une volonté d'envoyer un divertissement, fût-il cheap. Mais, là, l'intentionnalité pécuniaire est plus que flagrante, c'est du cynisme pur.


Bref, une bouse honteuse.

Cafe-Clope
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le 21 juil. 2018

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Cafe-Clope

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