"Plus c'est long plus c'est bon", ah bon ?

J'avais été très sceptique à l'annonce de la sortie de ce film, persuadé que j'étais que Scorsese n'était pas forcément le mieux placé pour réaliser un film pour enfants seulement voilà, c'est Scorsese. Au bout du compte je me suis lourdement trompé, il ne s'agit pas d'un film pour enfants, ou si peu. Je maintiens cependant que Scorsese n'était pas le mieux placé pour réaliser ce film, on se souvient que certaines de ses digressions cinématographiques, telles Kundun, n'ont pas vraiment été couronnées de succès.
Son Hugo Cabret est malheureusement très inégal à plus d'un titre, on sait que Scorsese est un formidable directeur d'acteurs, capable de transfigurer Sharon Stone dans Casino. Ici c'était beaucoup plus délicat puisque l'acteur principal n'avait que 13 ans au moment du tournage. On sent que Scorsese a fait son possible, mais Asa Butterfield n'est manifestement pas encore un bon acteur. Il prend tout du long un air malade, bourré de tics nerveux énervants et semble gravir l'Anapurna à chaque fois qu'il s'agit de sourire. Evidemment son rôle peut expliquer un jeu si monochrome mais pas seulement.
La présence de Ben Kingsley est plus rassurante, il incarne un Georges Méliès fatigué des plus crédibles mais ça n'a rien d'étonnant, on imagine qu'il fait partie de ces acteurs qu'il n'est presque pas nécessaire de guider. Mention spéciale tout de même pour Christopher Lee qui joue là un bibliothécaire fronceur de sourcils mais bienveillant, ses brèves apparitions sont un vrai bonheur.
Le film en lui-même a un handicap majeur, c'est que rien ne se passe (ou presque) durant les 50 premières minutes, à croire que le réalisateur a oublié que pour avoir de la magie dans un film il doit y avoir aussi de la fantaisie, de l'enthousiasme, ce qui manque cruellement au début. Bien entendu qu'une mise en place est nécessaire mais tout de même, cela devait-il se faire à un rythme aussi lent et avec tant de superflu ? Un peu de légèreté par moment n'aurait également pas été un mal. C'est d'autant plus frustrant qu'on sent très bien que quand le film aura réellement démarré, les choses vont s'accélérer et devenir captivantes, on s'accroche donc et on tente de ne pas s'endormir. On passe les 50 premières minutes pendant lesquelles Scorsese devait donc être absent du plateau (malade peut-être...) et enfin le film se déroule, la magie opère, nous donnant à voir l'hommage du réalisateur à Georges Méliès à travers l'histoire de la fin de la vie de ce pionnier du cinéma, lorsqu'il est retrouvé tenant une boutique de jouets de la gare Montparnasse. Une part de merveilleux entre donc en scène, donnant au cinéma et à sa création par les frères Lumière un aspect quasi-mystique, les acteurs s'effaçant presque totalement devant le propos.
Bien sûr l'image est belle, la mise en scène impeccable, le peu d'effets spéciaux passe inaperçu, on sent toute la maitrise de Scorsese, même pendant cette première partie si ennuyante. On a parfois le sentiment d'avoir un Jean-Pierre Jeunet aux commandes, décrivant un Paris rêvé du début XXème mais comme toujours, on essaie de nous faire croire que, dans ce Paris début XXème, tout était sépia, des vêtements aux voitures, des meubles aux murs des maisons et jusqu'à la nourriture, c'est un peu agaçant de voir poussée si loin l'idée d'un Paris de carte postale.
Le film se terminant sur sa meilleure partie, on fini donc sur une bonne impression et plutôt satisfait d'avoir tenu bon. Si donc Martin Scorsese décide de s'aventurer dans des genres inhabituels pour lui, qu'il évite les films de plus d'1h30.
Jambalaya
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le 8 nov. 2012

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