Avec ce deuxième épisode, la saga Hunger Games confirme qu’elle est en train de s’octroyer une place assez singulière dans le paysage hollywoodien et qu’elle est sur la voie d’y poser une empreinte durable, comme ont pu le faire des Star Wars ou des Harry Potter avant elle.
Parce qu’elle allie ambition et divertissement, parce qu’elle brasse des thèmes forts en offrant de grands moments de bravoure, parce qu’elle a installé des personnage charismatiques tout en conservant une forte exigence dans la mise en scène, elle dénote et séduit en s’adressant à un public plus large que les seuls adolescents, qu’elle a en plus le bon goût de ne pas prendre pour des idiots.
En changeant de réalisateur, la licence gagne en maturité, le style est plus posé (j’étais pourtant de ceux qui avaient beaucoup apprécié l’énergie du premier, dont la mise en scène frénétique traduisait parfaitement l’urgence dans laquelle évoluaient les personnages), les thèmes sont approfondis.
Parce que s’il y a une qualité à mettre en avant plus que les autres, c’est bien l’audace des sujets que Hunger Games aborde. Mine de rien, il s’agit bien d’une fable d’anticipation politique, qui traite assez frontalement la question du totalitarisme. Francis Lawrence creusent les bases posées par Gary Ross : la manipulation des médias, le mensonge étatique, la soumission du peuple. User de la terreur pour maintenir le calme dans les districts, donner des jeux et du pain au Capitole pour les occuper et éviter à leurs habitants de penser. Au passage, la description de cette cour bariolée et crasseuse à la botte du «président» est toujours aussi intéressante,. Ils se parent d’artifices cache-misère et se contentent de s’enthousiasmer pour les distractions offertes par le pouvoir sans poser de question. Du pain et des jeux donc. Jusqu’à ce qu’un grain de sable vienne enrayer la belle mécanique du despote. Ce grain de sable, c’est donc Katniss . Malgré elle, elle va devenir le symbole de la rébellion, la femme à abattre pour le gouvernement, et l’idée d’un espoir pour le peuple opprimé. Car oui, Hunger Games est aussi féministe. Rarement un film de studio aura autant mis en avant un personnage féminin, qui au delà de ses prouesses physiques et de son courage, pousse et protège les mâles qui l’entourent. Le schéma classique est complètement inversé, validant encore une fois la singularité du projet. Pour revenir au film lui-même, il est très dense et particulièrement prenant dans sa première partie. Les premiers signes de la révolution couvent, le capitole s’inquiète et manœuvre pour tuer le soulèvement dans l’œuf. Cette mise en place est habilement construite, formidablement illustrée (le contraste entre les districts et le capitole est frappant) et délivre son lot de scènes marquantes, jusqu’à celle du tirage au sort des candidats, assez bluffante de tension étoufféee, où l’on sent le malaise poindre et la situation commencer à échapper aux dirigeants.
Le film faiblit ensuite paradoxalement quand les jeux commencent, sans doute le peur d’être redondant par rapport au premier (ce à quoi Lawrence ne parvient pas tout à fait), mais aussi à cause d’une réalisation hasardeuse, très sombre, où on ne distingue plus grand chose. On est cependant en permanence à se demander ce qui se trame, car aucun personnage autour de Katniss ne semble jouer la partition qu’il devrait jouer. Le final, réussi, nous donne des réponses, mais aussi une furieuse envie de voir la suite.
Notons aussi que ça aide pas mal d’avoir de bons acteurs pour faire un bon film. Si les superlatifs pour évoquer la prestation de Jennifer Lawrence sont tous justifiés, le reste de la distribution est impeccable, Donald Sutherland et Philipp Seymour Hoffman en tête.

Le deuxième volet de Hunger Games, sombre, violent et radical sans oublier d’être émouvant, confirme donc tout le bien qu’on pensait de la saga. Divertissement intelligent et conscient, presque subversif par moment, il rassure également sur la capacité de Hollywood à pouvoir prendre des risques et des chemins de traverse.
On est déjà emballés, mais on a hâte de voir l’essai se transformer dans les deux derniers épisodes. Vraiment.

Créée

le 25 janv. 2015

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