Hunger Games : l'obsession régressive pour une lavette portant le nom d'un pain à kebab, partie 1

Note préliminaire : la scission du troisième opus Mockingjay en deux films, procédé partiellement, sinon uniquement mercantile, n'influera pour autant pas sur l'opinion de l'auteur de ces lignes. Après tout, il a accepté de se faire entuber par AMC avec les saisons 5b et 7.2 de BrBa et Mad Men.

Commençons par un petit rappel. Hunger Games ne cassait pas trois pattes à un caneton. Cette espèce de Battle Royale expurgé de sa satyre politique, aux scènes d'action charcutées par un effort conjoint de cadrages foireux et de montage parkinsonien, ne devait son salut qu'à Jennifer Lawrence, alors toute mimi, blonde et encore inconnue. Pour cette raison, sa suite, Hunger Games - L'embrasement, avait été une surprise de taille : sombre, plus adulte, bien mieux mis en scène et écrit (dépassant le simple mix de survival et de romance), rythmé tambour battant par un deuxième jeu mieux dosé et plus ingénieux, et doté cette fois-ci d'une réflexion intéressante sur la violence comme élément fédérateur des masses, HG2 était ce qu'aurait dû être HG, et devenait le blockbuster teenage-étalon. Enfin, son twist final, en plus d'être bluffant, suscitait de grands espoirs pour le troisième volet : HG pouvait produire de vrais bons films. Rien n'allait plus.

Le paragraphe que vous venez de lire était un prologue nécessaire : bien que l'on puisse descendre Hunger Games - La Révolte, partie 1 sans recourir à la comparaison, il était important de rappeler ce qu'avait été HG2, car si HG3 ne devait inspirer qu'un seul mot, ce dernier serait : déception. Supermassive, ajoutera-t-on si l'on nous autorise un second mot.

Intelligent, vif, douloureux, sombre : on attendait de trouver ces qualités dans HG3, mais HG3 n'est rien de tout cela. Au contraire, il semble ne servir qu'un but : montrer qu'une fois attachée à quelque chose de plus ambitieux, de plus global, soit un conflit civil à l'échelle géo-médiatico-stratégique, la saga perd tout bonnement pied, incapable de se montrer à la hauteur de ses ambitions supérieures. HG3 invente donc, pour vous, la guerre civile pour les nuls, avec ses métaphores adolescentes de manipulation de l'image publique, son jeu de petites propagandes médiatiques d'un simplisme confondant (on a déjà vu mille fois mieux ailleurs), sa faction rebelle à peine plus écrite que celle d'un Demolition Man, ses massacres de pauvres innocents pas du tout prévisibles, ses discours censément galvanisants sauf que pas (on pense à Independence Day…), sous les applaudissements de figurants que l'on ne sent pas vraiment concernés… le tout dans une trame scénaristique d'une crétinerie étonnante (pourquoi ne pas avoir gardé les scénaristes du précédent volet, qui avaient fait leurs preuves ?) remplissant l'histoire d'incohérences ou de ce que les anglophones nomment si visuellement "plot holes", et suscitant des questions embarrassantes comme, par exemple : pourquoi le Capitol n'a-t-il pas attaqué plus tôt la base rebelle, s'il savait où elle se trouvait ? Comment peut-il être fragile au point de perdre tout son jus en une attaque de pue-la-sueur sur un barrage ? Leur petite guéguerre est traitée par-dessus la jambe, et nombre de séquences sont d'une mollesse affligeante (la scène de l'escalier, magnifique). Pour être franc, l'attaque aérienne du District 12, filmée caméra à l'épaule dans un style réaliste de reportage de guerre, sera un des rares moments réussis du film.

Le problème est que ce plantage ne donne pas une juste image du film. Noooon. Si HG3 avait été deux heures de ça ! Les minutes n'auraient pas rendu moins con, mais auraient été bien plus digérables. La casse aurait été limitée. Non, la guerre civile version Playmobil ne représente que la moitié du film, l'autre moitié, elle, pouvant se résumer à Katniss pleurnichant. Et à chaudes larmes, hein. En public, dans son coin, de jour comme de nuit, face aux dures réalités du monde, ainsi qu'aux exigences d'un scénario sous Lexomil. Les raisons (et les raisins) dudit chouinage : Peeta. Oui, Peeta. Par son échec déplorable, HG3 est la consécration de cette faille majeure de la saga ciné Hunger Games, majeure car elle entache son héroïne, dont l'attachement à Peeta est un monument d'égarement romantico-invertébré. Peeta, personnage dont on est censé prendre l'extrême fadeur pour une exploration de la sensibilité masculine, son nom de hamster nain et de pain pour kebab, et son acteur Josh Hutcherson, aussi charismatique qu'un jambon-beurre sans gruyère. Dans le premier volet, il était tout meugnon et suscitait quelque intérêt parce qu'original pour un survivant - faisant miroiter l'éventualité que les scénaristes éviteraient peut-être la romance prévisible dans ce genre de films (l'amitié avec J-Law, c'est possible !). Dans le deuxième, l'infatuation sous-développée de l'héroïne pour son personnage le rendait déjà assez irritant, mais l'action faisait passer la pilule. Ici, presque pas d'action : que Katniss jouant les madeleines transies à chaque apparition de son chérie sur un écran (on a droit à la même séquence trois ou quatre fois), comme s'il s'agissait de son putain d'enfant, ou ne serait-ce que du premier amour de sa vie, qu'elle aurait connu depuis sa propre enfance. Son comportement, déjà irrationnel, devient carrément insultant lorsqu'on réalise qu'elle accorde vraiment plus d'importance à cette serpillère ambulante qu'à un peuple entier sous le joug d'une dictature.

De ce point de vue, HG3 peut aussi être considéré comme un attentat raté de peu à l'encontre d'une héroïne à l'origine épatante, parce qu'indépendante et pragmatique, sa transformation pour le moins abrupte en très mauvaise figure de résistante : autant on tolérait ses atermoiements dans les deux premiers volets, autant là, on attend d'une telle figure qu'elle se comporte enfin en leader charismatique… pour n'obtenir, au final, qu'une minette capricieuse. Katniss n'est certes qu'une adolescente, mais d'une, on a compris, être leader est une lourde charge ; de deux, l'adolescence en mode Secteur 12, ça forge une jeunesse autrement plus solide que celle de Beverly Hills 90210. Le pire, dans cette affaire, est que si Katniss ne ressemble pas à grand-chose dans ce troisième opus, elle n'en demeure pas moins l'homme du couple, la femme d'action, asseyant durablement Peeta dans son degré zéro de la virilité, à réjouir les théoriciens du "genre", sans doute extatiques face à cette histoire de fille qui porte la culotte chargée de sauver le pauvre petit Peeta brimé par le bad guy de service, négatif photo parfait de l'image traditionnelle du vaillant chevalier venant sauver la princesse emprisonnée dans sa tour. En gros, une nana préférant un nabot émasculé au bôgosse relativement viril et physiquement compétent incarné par Liam Hemsworth (parce que Peeta a tellement plus de substance !). Conclusion : au lieu de s'appeler Hunger Games - La Révolte, HG3 aurait dû s'appeler Hunger Games : l'obsession aux limites de la démence pour Peeta (titre moins vendeur, reconnaissons-le). Cette tare congénitale va jusqu'à foutre en l'air le final : au spectateur désespéré espérant une récompense après avoir subi deux heures de supplice, histoire de ne pas avoir à dire "tout ça pour ça", ledit final répond par un rebondissement absurde et une dernière scène hystérique, moyens désespérés de relancer l'attention du public, et annonciateurs d'un dernier opus tout aussi pleurnichard. Tout ça pour… Josh Hutcherson. Bitch please.

En d'autres termes, avec HG3, vous n'aurez guère plus qu'un drama pour collégienne jouant à la guerre de temps à autres, pour se donner quelques frissons. Insulte suprême : on le trouvera aussi mauvais qu'un Divergente (pourtant déjà sévèrement gratiné), sinon plus mauvais, puisque ce dernier présentait au moins l'avantage de courir dans tous les sens. Dans cette débâcle, pratiquement aucun acteur n'existe à proprement parler. Ceux de grand standing, comme Julianne Moore et Jeffrey Wright, font peine à voir dans leurs vignettes respectivement de chef des rebelles (avec des cheveux poivre et sel pour faire plus réaliste), et de… hacker en fauteuil roulant (faisant semblant de taper sur un clavier en déblatérant un jargon technique parfaitement inutile). Les figures connues, Trinket et Abernathy, font de la figuration. Quand au regretté Philip Seymour Hoffman, il semble se demander un peu ce qu'il fout là ; que HG3 soit son dernier film a quelque chose d'assez déprimant. En fait, seule la chtite Natalie Dormer (de GoT) sort du lot, avec sa coupe "futuriste" et ses yeux perçants de réalisatrice, innovation dont le film ne fait, hélas, pas grand-chose.

C'est ça : Hunger Games - la révolte : partie 1 ne fait pas grand-chose. Mais si ça peut consoler ses admirateurs, ça n'en fait pas pour autant une mauvaise adaptation, hein : parait-il, le livre de Suzanne Collins (déjà pas la nouvelle Marguerite Duras) est d'une nullité tout aussi internationale.

Note : on a évoqué les similitudes entre le premier HG et Battle Royale (parallèle qui exaspère les fans, mais on décide de s'en foutre totalement). C'était problématique. LOL !, comme dirait ma nièce. Mais il y a pire que pomper un excellent film : il y a pomper un mauvais film, en l'occurrence le monument de connerie qu'est Battle Royale 2. Et HG3, ben, ça ressemble un peu à BR2, en fait. En espérant qu'HG4 ne ressemblera pas à BR3, ce qui a peu de chances d'arriver, puisque BR3 n'existe pas, et c'est tant mieux. Enfin bref. CQFD.
ScaarAlexander
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le 27 nov. 2014

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