Je comprends pourquoi Pauline Kael n'a pas aimé Husbands de Cassavetes. Soit on l'accepte, soit on le rejette.
Cassavetes était un cinéaste hors du commun, très loin de la production hollywoodienne. Véritable indépendant, il a brisé les codes cinématographiques avec ses films. Dans Husbands par exemple, notre vision est souvent perturbée. Beaucoup de gros plans, une caméra très mobile (parfois même instable), des coupes très nettes et très brusques. Ce n'est pas un cinéma où tout est beau, où tout s'enchaîne correctement. Non, c'est un cinéma qui se veut libre.
Dans Husbands, trois amis viennent de perdre le quatrième membre de leur bande. Ils sont alors dans une phase de profonde remise en question. Comme l'indique le générique de départ, il est question de la vie, de la mort et de la liberté. Ils viennent de voir la mort ces trois hommes. Ils veulent donc savoir s'ils sont toujours libres et en vie. C'est une véritable prise de pouvoir sur le monde qu'ils tentent de faire. Avec leur richesse, leur position sociale, ils essayent de se prouver qu'ils sont toujours des hommes (virils), des sportifs accomplis (capables de prouesses athlétiques), des joueurs de casino et des tombeurs, des séducteurs plus forts que Sinatra.
Ben Gazzara, John Cassavetes et Peter Falk (les trois acteurs principaux) ont joué de leur personne. On a parfois l'impression d'assister à un documentaire tant ils sont convaincants. Tout trois sont de parfaits salauds. Il est difficile d'éprouver pour eux la moinde compassion tant ils usent et abusent de leur position. Ils se sentent mal, certes, mais de quoi droit imposent-ils leur mal être aux autres ? Ils agissent comme des gosses. Ils font de caprices, refusant de retourner dans le monde réel où attendent les responsabilités d'un mari et père de famille.
Il est difficile d'aimer le film et les personnages. Il est difficile aussi d'y rester insensible.