I AM NOT MADAME BOVARY (Feng Xiaogang, CHI, 2016, 140min) :


Alors que depuis 12 semaines les salles obscures restent toujours scandaleusement confinées, trouvons de bons remèdes VOD à notre manque de cinéma, à travers une nouvelle piqûre de rappel avec le romanesque I am not Madame Bovary, une injection étonnante pour captiver vos sens, sans tourner en rond…


Étonnant portrait en forme de combat d'une femme prisonnière de l'administration chinoise. Quasiment inconnu en France le cinéaste chinois Feng Xiaogang s'est essayé à de multiples genres : film d'action avec A world without thieves (2004), historique à travers Le banquet (2006) ou film catastrophe par le biais Aftershock en 2010. Il s'immisce sur nos écrans avec une comédie noire sur la Chine d'aujourd'hui, adaptation de l'intéressant roman Je ne suis pas une garce de Liu Zhenyun, édité le 12 mars 2015.


Dans les contes chinois, une femme infidèle ou débauchée se définit généralement par le personnage mythologique "Pan Jilian", il a été remplacé pour la distribution internationale par le personnage de "l'épouse indigne", Madame Bovary. Le réalisateur nous dépeint le destin d'une villageoise ordinaire qui va mettre en place un stratagème de divorce avec son époux pour obtenir un deuxième appartement et se remarier ensuite. Malheureusement pour la femme mariée, son mari en a profité pour épouser une autre femme ! Nous allons suivre la lutte de Li Xuelian contre son mari, les institutions chinoises pour réhabiliter sa réputation. Pour nous conter cette fable Feng Xiaogang opte pour une mise en scène radicale. Quasiment tout au long du film le cadre de l'image est circulaire, un rond au centre de l'écran créant pour le spectateur un sentiment de distance et d'aliénation. Et observer avec plus d'objectivité cette femme se heurter à des murs, en tournant en rond.


Ce format visuel pertinent rappelle aussi les peintures sur les parchemins de la dynastie Song et la culture chinoise. Ce cercle renforce également le sentiment aux spectateurs d'espionner et de recentrer notre regard sur l'essentiel. Au cours du l'intrigue le format de l'image évolue en 1:1.66 et plus tard en 16:9, à des moments très précis. Un mélange de formats ambitieux qui encadre parfaitement l'histoire au récit à la tonalité étonnement satirique. Ce long métrage un peu trop long, n'en demeure pas moins une délicieuse auscultation de la Chine contemporaine, à travers des situations ubuesques ou des lois obsolètes et absurdes viennent décrire l'humiliation morale subie par Li Xuelian, symbolisant ains le sort de nombreuses femmes en Chine qui veulent faire valoir leurs droits.


Cette magnifique œuvre visuelle est littéralement porté par l'incarnation impliquée de l'actrice Fan Bing Bing ni obéissante, ni docile et tout simplement formidable dans ce rôle. Venez découvrir cette satire réussie, oscillant entre le drame intime et la farce caustique au cœur du savoureux I am not Madame Bovary. Esthétique. Féministe. Audacieux.

seb2046
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleurs films de 2017

Créée

le 19 janv. 2021

Critique lue 151 fois

seb2046

Écrit par

Critique lue 151 fois

D'autres avis sur I Am Not Madame Bovary

I Am Not Madame Bovary
Xuxu
10

Redécouvrir le cadre

Un film d'une originalité folle est en ce moment sur nos écrans. Il est chinois, adapté d'un roman sur un procès qui prend d'énormes proportions. Drôle, percutant, incisif : c'est une pépite sur le...

Par

le 8 juil. 2017

8 j'aime

I Am Not Madame Bovary
Cinephile-doux
6

Les tribulations d'une paysanne en Chine

Une paysanne se perd dans les méandres de l'administration chinoise pour tenter de faire annuler le divorce fictif obtenu par son mari. Feng Xiaogang est connu en Chine pour ses films populaires...

le 17 févr. 2017

4 j'aime

I Am Not Madame Bovary
Zoom
8

10 ans de procès

On pourrait faire un procès à Feng Xiaogang le réalisateur de ce film chinois, parce que il montre un film qui sort vraiment de l'ordinaire sans donner toutes les clés nécessaires. Cette femme qui...

Par

le 12 juil. 2017

3 j'aime

5

Du même critique

Plaire, aimer et courir vite
seb2046
8

Jacques et le garçon formidable...

PLAIRE, AIMER ET COURIR VITE (2018) de Christophe Honoré Cette superbe romance en plein été 93, conte la rencontre entre Arthur, jeune étudiant breton de 22 ans et Jacques, un écrivain parisien qui a...

le 11 mai 2018

36 j'aime

7

Moi, Tonya
seb2046
7

Wounds and cry...

MOI, TONYA (15,3) (Craig Gillespie, USA, 2018, 121min) : Étonnant Biopic narrant le destin tragique de Tonya Harding, patineuse artistique, célèbre pour être la première à avoir fait un triple axel...

le 19 févr. 2018

32 j'aime

2

La Villa
seb2046
7

La nostalgie camarade...

LA VILLA (14,8) (Robert Guédiguian, FRA, 2017, 107min) : Cette délicate chronique chorale aux résonances sociales et politiques narre le destin de 2 frères et une sœur, réunis dans la villa familiale...

le 30 nov. 2017

30 j'aime

4