Adaptation du best-seller de Dan Wells, I am not a serial killer nous propose de suivre un adolescent sociopathe qui lutte contre ses pulsions meurtrières et se prend de fascination pour un voisin, joué par Christopher Lloyd qui offre une prestation admirable.
Tourné en pellicule 16mm, la photo de Robbie Ryan (American Honey) dépeint avec naturalisme une bourgade américaine pour nous plonger dans une atmosphère à la fois inquiétante et mélancolique, faite de terreur sourde et d'isolement. Le travail sur la colorimétrie est remarquable et les jeux d'opposition semblent faire écho à la personnalité duelle du héros. Ainsi, les rouges utilisés pour créer une atmosphère dangereuse, contrastent de manière pertinente avec les noirs, si l'on songe par exemple aux taches d'huile laissées au sol par la voiture du meurtrier que l'on suit comme dans un film de détective. C'est encore l'opposition manichéenne entre le blanc et le noir qui apparaît sur le bonnet de panda que l'adolescent reçoit à Noël. Cet accessoire, à la fois bonnet d'enfant et masque de tueur en série, témoigne de l'ambivalence du personnage encore adolescent mais déjà conscient du danger qu'il représente. On retrouve un jeu similaire sur le blanc et le noir dans le maquillage qu'il porte lors de la soirée d'Halloween. D'un point de vue esthétique donc, I am not a serial killer est un petit bijou. Le scénario, quant à lui, ne manque pas de susciter l'intérêt du spectateur.
Le film interroge la notion de regard : celui du groupe sur un adolescent différent; celui de l'innocence sur le vice. Au lieu d'observer les oiseaux à travers les jumelles que lui prêtent son psychologue, le héros préfère observer les agissements du tueur en série. La mise en abyme est encore présente quand le monstre du jeu vidéo se rapproche de l'écran en même temps que le héros voit le tueur. Le film nous propose ainsi une réflexion sur notre aptitude à intégrer la différence, à accepter les autres dans leurs différences. Film initiatique, I am not a serial killer est aussi le récit d'apprentissage d'un adolescent qui va apprendre à intérioriser ses démons, à refouler son monstre.
Le film eût été parfait si un final monstrueux n'était pas venu ternir la subtilité et la poésie so William Blake (on trouvera également en filigrane des références à Dead Man, notamment dans le traitement de la dichotomie Enfer/Paradis ) dont il avait pourtant fait preuve jusque là.