Avec I…comme Icare Verneuil réalise peut être son film le plus sombre, le plus pessimiste.
Sous couvert d’une intrigue calquée sur l’assassinat de JFK (un président est assassiné au milieu de la foule par un sniper) et donc d’un thriller politique au déroulement narratif passionnant, il s’agit avant tout d’un film sur la déshumanisation, ou en tout cas, pour paraitre moins fort, sur la solitude de l’homme dans la société moderne. Tout ça associé à une démonstration détournée mais cinglante sur le fascisme.
Le pays, la ville, où évoluent les personnages, semble imaginaire. Cette absence de contraintes et d’obligations géographiques et spatiales, permet au cinéaste de créer un décor comme il l’entend.
Comme l’était Un Flic de Melville, Icare est un film gris, un film terne, un film triste. Les corps ne dorment pas, évoluent sans dimension charnelle, presque sans affect. Au milieu d’un environnement gris lui aussi, industrialisé, froid, sans vie. Comme les villes nouvelles que l’on construisait à l’époque en bordure des agglomérations. Des immeubles affreux, des commerces absents, du béton et du verre. Montand incarne un procureur qui mène une enquête afin de découvrir la vérité sur un fait trop vite expédié. On le voit vieillissant, fatigué, cerné par le décor et évoluant d’appartement en appartement. La seule présence féminine intervient à la fin, mais ce n’est qu’une voix, la chair, le contact humain n’existe plus.
La vraie réussite du film est ici, dans cette imbrication malaisante de l’homme et du décor qui l’enserre. Verneuil retranscrit ce malaise à merveille, cette angoisse spatiale, à travers la construction de ses plans (bien aidé, il faut le dire, par l’utilisation de la musique).
Et puis au centre du film il y a une scène d’une violence morale et physique assez rare. Qui pourrait apparaître lourde de sens pour son utilisation et son exposition frontale de ce que le film sous-entend, mais qui apparaît comme un vrai choc. Afin de démontrer le pouvoir d’obéissance de l’homme, la capacité qu’il a d’obéir aux puissants et à ne pas pouvoir s’extraire de ce lien de domination/fascination, 2 docteurs mettent en œuvre des expérimentations. Dans lesquelles deux cobayes jouent un drôle de jeu. L’un est attaché, les mains reliées à un courant électrique, l’autre appuie sur des boutons déclenchant les électrocutions. Il pose des questions, si l’autre répond mal, il l’électrocute, avec une charge de plus en plus forte.
Cette scène redoutable, horrible, renvoie non seulement à toutes les faiblesses de l’homme, au fascisme, à l’animalité, à tout un tas d’autres notions, mais expérimente également à ce que beaucoup de cinéastes ont tenté de chercher, la provocation du spectateur et une réflexion sur le regard, le voyeurisme et la prise de conscience de l’homme.
C’est un excellent film.
Teklow13
8
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le 23 sept. 2013

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Teklow13

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