Une question à la sortie de Ida, drame d'apprentissage polonais aux problématiques passionnantes (la place de la foi dans l'action, la recherche de la grâce, la reconquête d'une histoire personnelle à travers celle de son pays endeuillé et coupable...) : pourquoi ce choix entêté d'une esthétique figée d'enluminure pour donner au film un sérieux irascible et anesthésié? Le noir et blanc strict, le 4:3, les plans fixes soigneux et proprets, autant de signes de la revendication d'une crédibilité d'auteur qui Pavel Pawlikowski confond ici avec la froideur la plus totale : on vise le Bresson, on n'aura que du sous-Haneke immobile à force de se rêver intraitable, sans grâce ni vigueur. Une froideur qui de plus ne semble pas justifiée par le récit, qui veut mettre en scène une tentation pour sa jeune nonne d'héroïne de l'épanouissement sensuel, une libération, un moment d'hésitation de la jeunesse. Autant de pistes contrecarrées par la rigidité et la monotonie de la mise en scène, qui privent Ida autant de rythme dans sa partie polar que de sensibilité dans son portrait : une oeuvre sans nuances, en ligne droite, qui sacrifie les aspérités et l'acuité pour l'esprit de sérieux et une idée dévoyée de l'exigence. Comme témoin adolescente du spectre hantant d'une culpabilité nationale post-Seconde Guerre, on préférera Lore (Cate Shortland, l'an dernier), à cette fausse bonne Ida.