« La revanche du vide », c’est la conclusion que fait le protagoniste sur l’état d’une maison dans laquelle il vient loger pour la nuit avec sa compagne, avant qu’elle ne disparaisse, et au terme d’un voyage éprouvant dans la brume où il a déjà cru la perdre plusieurs fois.
Objet étrange et assez irritant, Identification d’une femme, d’une certaine façon le dernier long métrage d’Antonioni a cette autorité qui fait qu’on tente de se plier à lui. Oui, le cadrage est toujours aussi maitrisé, les découpages toujours aussi pensés et rien ne semble laissé au hasard. Chaque fenêtre, chaque encadrement de porte accompagne et magnifie les personnages errants, le plus souvent pour matérialiser leur incapacité à réellement fusionner avec l’autre.
Seulement voilà, là où la désincarnation, dans Blow Up ou Profession : Reporter avait un sens, là où le formalisme s’accompagnait d’un véritable propos, difficile de démêler ici l’inepte de l’existentiel, le mauvais gout du choix esthétique. Au swinging London et aux ocres de l’Espagne succède une esthétique des années 80 objectivement laide, que ce soit dans les choix musicaux (une souffrance) ou les bleutés nocturnes métalliques. La permissivité de l’époque occasionne aussi des scènes de sexe au mieux involontairement comiques, au pire vulgaires et indignes du maitre. Le récit lui-même semble une variation supplémentaire sur des thèmes déjà évoqués, le double (Profession : Reporter), la femme, (l’Avventura), la mise en abyme (Blow up et son rapport à l’image)… en beaucoup plus paresseux, et long.
On peut tout à fait croire à la sincérité du projet, et se perdre en analyses qui tendraient à réhabiliter tous les manquements de ce film. Il n’en demeure pas moins qu’on se trouve là face à une œuvre fatiguée et assez pénible à appréhender.

Sergent_Pepper
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le 23 sept. 2013

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Sergent_Pepper

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