De l'importance de regarder "Idiocracy" (et Brazil, et Metropolis,et fahrenheit 451, etc)

Que reste-t-il à dire sur "Idiocracy" après les 129 avis précédents le mien ? Pas grand chose. Tout est y est passé ou presque. C'est un film sympa, moyen, qui ne révolutionnera pas le 7e art. Mais qui finalement aura le mérite de remettre de l'huile sur le feu d'un débat qu'on occulte trop souvent, occupés que nous sommes à courir après une légitime quête de jouissance personnelle...



De l'importance de respecter le tapis du salon



Fable contemporaine projetant notre monde dans un avenir hypothétique où l'inculture serait devenue la norme, cette "Idiocracy" justement nous met la truffe dedans. Un peu à la manière d'un maître (défoncé à la connerie) qui aurait surpris son pauvre chiot pas encore conscient qu'on se lâche pas sur le tapis du salon.


Comme régulièrement au cinéma et plus particulièrement au rayon anticipation, les cinéastes nous proposent de nous interroger sur l'avenir de notre petit monde avec plus ou moins de talent. "Idiocracy" se range dans cette catégorie. Sans finesse particulière, usant des leviers de l'humour gras et premier degré, "Idiocracy" simplifie la problématique, mais sans perdre de vue son propos. Qu'adviendrait il de nos sociétés, si par un effet pervers les systèmes économiques, sociaux, médicaux et politiques de nos pays occidentaux nous conduisaient à nous abrutir avec notre consentement passif ?



De l'importance des "pov'gens"



Entre la Cop21 qui se tient actuellement à Paris, la tragique année 2015 qui a secoué la France et les élections qui fleurent bon l'odeur fécale accrochée aux basques de 40% d'électeurs, il semble bien que l'idiocratie ne soit pas qu'un concept abstrait. Ce qui peut prêter à rire dans un film (parce qu'on fait pas raquer 10€ la place pour terroriser les pov'gens) ne fait pas du tout rire dans le réel.


Le point de départ d' "Idiocracy" a-t-il des liens avec le réel ? Statistiquement, oui. Les individus ayant bénéficié d'une instruction plus longue procréent moins que ceux qui ont préféré fuir plus tôt les bancs de l'école. Les individus issus des classes aisés se reproduisent avec moins d'enthousiasme que ceux qui besognent pour le smic ou qui pointent à Pole emploi. Oui l'effet dysgénique (l'antonyme de "sélection naturelle") interroge depuis longtemps généticiens et anthropologues. Partant de là, "Idiocracy" explore, tout en restant dans les limites de la satire comique, ce qu'il adviendrait de l'humanité si ces quelques faits conjoncturels devenaient structurels



De l'importance de reposer pour la énième fois la même question



Alors oui je mets un 8 à ce film, parce qu'entre quelques blagues lourdingues, un arc narratif d'une indigence à faire pleurer ma grand mère, une mise en scène parfois brouillonne et un cheptel de personnages caricaturaux, il reste à ce film le mérite de reposer pour la énième fois la même salutaire question : Mais où va le monde ma bonne dame ?!!!


Parce que dans le flot nauséeux dont l'industrie du cinéma contemporain noie nos petites cervelles indigentes (la mienne en première ligne), il est intéressant de soutenir un film, même maladroit, qui ne fait pas de son thème central les sempiternelles questionnements du genre : Pourquoi chui-mal-dans-ma-peau ? Pourquoi chui-heureux ? Pourquoi l'argent-fait-pas-mon-bonheur, Pourquoi personne-ne-m'aime ? Pourquoi je-me-demande-pourquoi ?



De l'importance de ne pas subordonner l'intelligence à google



Parce que, soyons honnêtes deux secondes, vous comme moi avons remarqué que progressivement pleins de trucs ont changé autour de nous, petit à petit, de façon insidieuse : la gentillesse est devenue ringarde, la politesse est devenue suspecte, la générosité fait place à la "charité sponsorisée", l'intelligence est remplacée par google...


C'était mieux avant ? Ce n'est pas mon propos. Au point où nous en sommes, la seule question qu'il nous reste à poser est peut être : Comment éviter que ce soit pire demain ? Et se poser cette question c'est au moins la certitude qu'en cherchant une hypothétique réponse on soit trop occupé pour foutre encore plus le bazar... ou presque.


Bonus :
Une devinette pour la route : Mme Démocratie (la gentille dadame qui te dit que t'as le droit de t'instruire et de t'exprimer) et Mr Capitalisme (le type en costard qui te dit que plus tu la fermes, plus tu pourras consommer) ont un fils. Comment il s'appelle ?

Presque
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 11 déc. 2015

Critique lue 391 fois

3 j'aime

4 commentaires

Presque

Écrit par

Critique lue 391 fois

3
4

D'autres avis sur Idiocracy

Idiocracy
drélium
3

Futur à mal

ça aurait pu être cool. Mais bougre de baloche à cheval, comment des crétins peuvent-ils avoir de l'électricité, des shows télé monumentaux multidiffusion entièrement automatisés, des écrans plats...

le 20 févr. 2013

60 j'aime

60

Idiocracy
D4rk_Ch0c4p1c
10

"Incroyable mais vrai"

Je suis quelqu'un de particulièrement pessimiste. J’apprécie donc ce film grandement. Certains se plaindront de l'humour de merde dont il est remplit. Personnellement je trouve que cela met bien en...

le 25 juil. 2013

59 j'aime

15

Idiocracy
Torpenn
4

Judge raide mais débande vite.

Particulièrement banal à notre époque (la preuve, il est bibliothécaire dans une caserne), Luke Wilson est envoyé en mission d'hibernation vers le futur. 500 ans plus tard, il se rend compte que le...

le 22 mai 2011

46 j'aime

37

Du même critique

1899
Presque
3

Maniéré, ostentatoire et creux

Maniérisme visuel forcé, ambiance épouvante/horreur artificiellement maintenue par des effets de réalisation inutiles et ostentatoires, effets sonores caricaturaux surjouant l'aspect anxiogène que le...

le 19 nov. 2022

48 j'aime

11

Les Bonnes Conditions
Presque
3

Spoiler : A la fin, tout se termine bien.

Ici les "bonnes conditions" côtoient surtout les bonnes intentions. La mièvrerie coule partout sur la pellicule. Le montage est scolaire et sommaire. Le story-bord est souvent embrouillé sautant d'un...

le 29 juil. 2019

26 j'aime

7