J’en suis sorti épuisé, j’ai beaucoup souffert, mais je crois que c’est l’effet escompté. J’étais parfois même à la limite de la gerbe, cet écœurement aussi est convoité, il me semble. Et puis ces trognes à n’en plus finir et ces inlassables regards caméra m’ont gavé. Voulu là encore, tu l’auras compris. On ne peut pas dire que ce soit le film le plus aimable du monde alors évidemment ça participe pleinement à construire son identité informe, hypnotique, répugnante et donc à l’ériger en ovni sans précédent, véritable manifeste de la crasse, tant on ne dénombre plus les images de merde, de pisse, de sang, de morve, de glaviot, de boue, de pluie, d’eau stagnante, bref de sécrétions, défections et fange statique en tout genre. N’empêche que cet hermétisme absolu dans l’approche de l’infâme humanité m’a tenu continuellement à une telle distance que je me forçais à sortir du film par mes propres moyens (fermer momentanément les yeux, observer mes voisins, penser à autre chose). On ne peut donc pas dire que j’ai aimé mais je vais m’en souvenir, c’est une expérience à vivre quoiqu’il en soit. Mieux vaut être en forme et disponible, je préviens. Dans Les valseuses, Depardieu dit à Dewaere, qui n’arrive plus à bander, que sa queue est probablement trop crade, qu’il faudrait un bulldozer pour en enlever toute la crasse. Oui, j’ai réussi à penser à cette scène durant le film de Guerman. Bref, j’avais l’impression de m’être roulé dans les marécages, pendant trois heures – Parce que ça dure trois heures, je préfère encore te prévenir. Première fois que je sors d’une salle de cinéma avec la sensation d’être aussi crade que le film.

JanosValuska
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le 16 mai 2015

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JanosValuska

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