En 1990, "Ca", l'oeuvre-somme horrifique de Stephen King était portée à l'écran en téléfilm, sous la forme de deux longs-métrages d'1h30 chacun. La même année, David Lynch et Mark Frost créaient "Twin Peaks", pour la télévision également, avec sept épisodes d'une première saison vouée à devenir culte. En revoyant l'adaptation TV de "Ca", on imagine avec regret ce qu'aurait pu donner ce projet s'il avait été adapté sous la même forme, par exemple en sept épisodes d'une heure chacun.


Car le premier défaut majeur du téléfilm signé Tommy Lee Wallace, c'est bien de devoir "compacter" les 1200 pages du roman de King en 3 heures. Ne reste que les actions majeures, et parfois, heureusement, quelques sentiments ou concepts issus des descriptions de King. Mais la richesse et la complexité du roman, qui va-et-vient entre les époques (1957 et 1985, mais aussi des chapitres qui remontent plus loin dans le temps, en 1900, 1920...), était la source parfaite d'une série inventive et originale, qui reste à faire.


Revenons au téléfilm tel qu'il est. Il souffre donc d'un défaut scénaristique, mais aussi de défauts de production. Avec un budget peut-être trop réduit pour l'ambition du récit, nombre de scènes en pâtissent. Artistiquement, c'est bien souvent assez catastrophique. Le montage ne laisse jamais la terreur s'installer. L'angoisse est toujours attendue, elle surgit classiquement, et repart aussitôt. Un gâchis, quand on voit la créature de Pennywise créée par Tim Curry. A lui seul, et par l'apparence donnée par le costume et le maquillage, il parvient à être terrifiant au sein de scènes vraiment mal réalisées. Non pas que Tommy Lee Wallace ne sait pas poser sa caméra - certains plans sont plutôt jolis - mais le rythme du montage permet rarement aux atmosphères angoissantes de se créer. De plus, la photographie très cheap (budget de téléfilm oblige ?) détruit là aussi tout espoir d'être fasciné ou hanté par l'histoire de "Ca". Peut-être la scène d'Audra à la station-essence est-elle l'une de celles qui tire son épingle du jeu, avec bien sûr la scène de Georgie et son bateau.


Le second gros problème est celui du casting des adultes, bien sûr. L'interprète de Bill, surtout (Richard Thomas). Là encore, on sait qu'un tournage de téléfilm peut-être vraiment ingrat pour les comédiens... Le résultat est là : le "héros" ne fonctionne pas. Ses acolytes sont eux aussi assez irritants, malgré de meilleures incarnations - notamment Ben, joué plus subtilement par John Ritter. Là encore, le format réduit du téléfilm, et le choix d'une adaptation hyper classique nuit à la période adulte, la plus difficile à adapter. Dans le roman, les adultes se voyaient plongés dans un état second en retournant dans leur village, voyant leur présent s'effondrer et l'enfance remonter, jusqu'à adopter les comportements d'enfants de 12 ans. Difficile à jouer lorsque le scénario en tire une scène ou deux, sans la progression nécessaire pour nous faire "croire" à ce comportement. Résultat, nos héros enfants semblent être devenus des adultes idiots.


Car la période de l'enfance, elle, reste le point fort de l'adaptation. L'effort de production se ressent assez dans la reconstitution des années 50, et, surtout, les comédiens enfants sont tous extrêmement doués. Plus que les adultes malheureusement. Le jeune Bill est incarné avec beaucoup de justesse et d'émotion par Jonathan Brandis. Un enfant doué d'un grand talent, mort trop tôt, à 27 ans - chose assez terrifiante quand on y pense, cet âge fatal correspond à la période d'ellipse de "Ca", le clown Pennywise revenant hanter les personnages 27 ans après leur enfance.


Mais on en revient toujours au même point : passé à la moulinette du format téléfilm, même ces scènes situées dans les années 50 restent classiques, souvent touchantes mais jamais transcendantes, et bien sûr n'effleurant jamais les thèmes les plus sombres et perturbants du roman (inceste, découverte de la sexualité, violence et naissance de la folie à l'adolescence...), ni l'effroi mystique et lovecraftien ressenti à la lecture de l'oeuvre originale.

BlueKey
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le 19 sept. 2017

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