J’ai toujours eu cette angoisse. Celle, à force d’approfondir ma connaissance du cinéma, de devenir ce type blasé qui pense comme un robot et ne sait plus apprécier les choses simples. C’est vrai, on a cette tendance perverse, en ayant la sensation d’en savoir plus, de vouloir le montrer et de renier nos propres émotions, juste histoire de paraître plus intelligent. Finalement, on est tout le contraire en agissant ainsi. En tout cas, en bientôt quatre ans j’ai pu découvrir plusieurs centaines de films et voir le cinéma sous une perspective bien différente d’avant. Et, même si j’ai pu m’éprendre de délires lynchiens, d’épopées kubrickiennes, ou encore de contemplations tarkovskiennes, je n’ai jamais rechigné à un peu de simplicité, à une modestie bienvenue qui pourrait me bouleverser. On m’avait parlé de ce film depuis un moment, mais j’attendais toujours le moment de le visionner. Hier soir, il est passé à la télé, j’ai pu le découvrir et, après avoir séché quelques larmes, écrire ces quelques lignes. Il était temps.
Il était temps s’articule autour d’une romance qui rappellera au souvenir de ces Coup de foudre à Notting Hill ou Pretty Woman, qui inondent les écrans en cette Saint Valentin. Evidemment, ces films suivent une flopée de codes qui garantissent des moments de tendresse, de déchirures, et un dénouement heureux qui arrachera quelques larmes et des sourires pour quitter ces histoires avec bonheur et entrain. Le film de Richard Curtis n’échappe pas à la plupart d’entre eux, naturellement. Il en a besoin, pour créer cette atmosphère enveloppante et donner au spectateur la matière nécessaire pour créer ce lien avec les personnages et vivre avec eux. Sauf qu’il aborde les thématiques classiques de la comédie romantique avec originalité, grâce au prisme du voyage temporel, offrant à Il était temps de multiples possibilités, qu’il explore avec justesse et non sans émotion.
Evidemment, le premier réflexe lorsque l’on se sait doué d’un tel don, est de faire en sorte que tout soit parfait, de gommer ces erreurs qui salissent le tableau, d’en faire fi et de pouvoir mener cette vie dont on a toujours rêvé. Réparer les erreurs, réécrire l’histoire et l’améliorer. Mais voilà, le destin reste le fil conducteur le long duquel tout s’articule et qui constitue la constante de cette histoire à l’aspect multidimensionnel. Il s’agit, peut-être, d’embellir les choses, mais la perfection demeure une utopie qui a pour méchant réflexe de mener à la chute et aux déceptions. A l’image de la rencontre entre Tim et Mary qui, quelle que soit sa version, reste empreinte de maladresse et d’imperfection, la vie est une succession de choix qui influent sur son cours, mais il faut également parvenir à accepter que certaines choses nous surpassent et ne puissent être empêchées ou provoquées par nos actions.
L’amour demeure, bien sûr, la composante majeure de cette histoire. Celle d’un fils pour son père, d’un mari pour sa femme, d’un frère pour sa sœur, Tim est l’acteur principal de cette vie qu’il mène entre rembobinages et accélérés, devant parfois prendre les devants et, d’autres fois, s’effacer et faire des sacrifices lourds de conséquences. Cette possibilité de revenir sans cesse en arrière dans le temps grâce à des projections mémorielles induit de nombreuses ramifications dans le récit et laisse le spectateur penser à toutes les possibilités, imaginer, en une fraction de seconde, tout ce qui aurait pu arriver si les choses avaient été faites de telles ou telles manière. Surtout, le fait de pouvoir revenir en arrière ne signifie pas l’obligation systématique d’y recourir. Alors, les regrets, les manques et les « si » continueront d’exister et de se promener dans notre conscience, mais, après tout, c’est ainsi que va la vie, et il n’y a pas de réel bonheur sans quelques malheurs.
Impossible de voir Il était temps avec un œil chirurgical et trop analytique, il fait partie de ces films qui vous emportent sans vous laisser le temps de vous préparer, et qui vous font passer par toute une palette d’émotions sur deux heures de temps. Je ne suis pas spécialement difficile à convaincre, mais ce n’est pas tous les jours qu’un film arrive à me mettre des larmes aux yeux. Il était temps y est parvenu, preuve qu’il a cette capacité à toucher droit au cœur comme peu de films. Bon, j’avoue avoir pleuré comme une madeleine. Naturellement, ce n’est peut-être pas le cas de tout le monde, mais qu’importe. Ça fait du bien de voir un peu de simplicité et l’apprécier, de lâcher prise, de revenir aux fondamentaux, d’arrêter de râler, de gâcher son temps en ruminant, d’empoisonner son esprit avec des idées noires et, enfin, voir ce fichu verre à moitié plein. Merci !