J'ai eu la chance de voir Il était une fois dans l'Ouest au ciné aujourd'hui, et j'en profite donc pour écrire une chronique à chaud, essayer d'assembler des éléments qui me trottent depuis longtemps dans la tête. Western de Leone qui trouve sa place entre le spaghetti, pour sa vision réaliste de l'Ouest, et le classique, pour les thématiques abordées, il est devenu un mastodonte du cinéma, en particulier en France où il a toujours été très bien accueilli.
J'ai beaucoup de mal à trouver une faiblesse au film : il est porté par 5 acteurs tous au niveau, les plans sont sublimes, et que dire de la musique de Morricone, omniprésente et qui reste en tête longtemps. A noter au passage le travail sur le bruit, et le silence, toujours significatif, qu'il soit annonciateur de la mort (quand les cailles se taisent) ou d'un moment solennel (lors du duel final). L'intrigue est assez intéressante, et surtout on la découvre tout au long du film ce qui permet une histoire non linéaire, qui nous surprend tout en sachant où elle va ; il en résulte un film très difficile à résumer, notamment car l'histoire se retrouve finalement reléguée au second plan . Le film est particulièrement lent, Leone prend le temps de développer chaque situation, et de construire des relations entre les personnages. La durée du film lui permet d'approfondir ces personnages, tous différents et reconnaissables sans pour autant être des archétypes : Harmonica le fantôme vengeur, Frank la brute authentique, Morton l'homme d'affaire passionné, Jill l'ex prostituée résiliente, et surtout Cheyenne, le bandit romantique. Enfin, les dialogues sont très travaillés, et outre les différentes punchlines toujours jubilatoires, la concision des propos et leur force, qui tranche avec la propension au mutisme (très prononcée chez Harmonica), permet au spectateur de se concentrer sur l'essentiel.
J'ai beaucoup aimé la relation entre Cheyenne et Jill, presque anodine au regard de l'intrigue globale, faite de non-dits et jamais en passe d'être concrétisée, et pourtant marquante. Les confrontations entre ces deux personnages sont les moments où ils se permettent d'être eux mêmes : Jill montre tour à tour sa force de caractère lorsqu'elle défie Cheyenne de la violer, puis son côté bienveillant, presque maternel, quand elle est aux petits soins pour lui, pendant le duel final. Cheyenne lui, se livre sur son passé, admet son statut de fils de pute (au sens propre du terme), compare flatteusement Jill à sa mère, complimente son café, et lui dit d'aller servir à boire aux ouvriers du chemin de fer pour qu'ils puissent l'admirer. Ces discussions, faites de beaucoup de silence parsemé de phrases condensées, sont les seuls moments sans tension du film et leur permettent donc de nouer une relation intime, la seule du film.
Les autres relations ne sont pas pour autant laissées pour compte. La rivalité entre Cheyenne et Harmonica se mue au cours du film en une alliance puis même une connivence (comme en témoigne le cabotinage de Cheyenne quand Harmonica le vend à la police), qui trouve sa finalité quand Harmonica emmène avec lui le cadavre de Cheyenne lorsqu'il disparait. Le rapport de force et la différence de vision et de méthodes qui opposent Morton et Frank contribuent à faire des alliés initiaux des personnages profondément différents, tandis qu'au contraire Frank et Harmonica, dont le seul but est de tuer l'autre, explicitent finalement leur même vision du monde, un monde d'"hommes", auxquels se substitueront les hommes d'affaire, dans cet Far-West rendu accessible par l'arrivée du train, perdant ainsi sa spécificité.
Le train est d'ailleurs un élément essentiel du film, qu'on peut malheureusement oublier au premier visionnage. Il symbolise la mutation du monde, la disparition des anciens héros, le rêve de Morton, et on remarque qu'il ne se passe pas un quart d'heure à l'écran sans un plan sur un train ou la voie ferrée en construction. J'ai d'ailleurs été très touché par la chaleur qui émane de ces plans sur les ouvriers au travail, de véritables tableaux, et où on peut presque sentir le soleil et la fumée de l'arrière-plan. On peut aussi remarquer des déplacements de caméra envoutants, notamment lors de la scène où Jill sort de la gare et où on découvre la ville en effervescence lorsque la caméra s'élève, lors du zoom arrière qui révèle l'arche à laquelle est pendu le frère d'Harmonica lors du flash-back final, ou encore tout à la fin quand la caméra s'écarte pour montrer le tumulte des ouvriers autour de Jill qui leur sert à boire.
Beaucoup de moments de grâce émaillent le film, entourant les évènements marquants, comme par exemple après le meurtre de la famille McBain, lors de la chevauchée funèbre de Frank vers son duel, ou encore lors des agonies de Morton, dans une flaque, ultime pied de nez, ou de Cheyenne, dans son fossé, honteux devant Harmonica.
Bref, j'ai surement pas été très objectif, mais tout m'enchante véritablement dans ce film, et je conseille évidemment à ceux qui ne l'ont pas déjà fait de le regarder!