Et si tout cela n'était qu'un rêve ? Leone aurait lui-même suggéré cela, ce qui expliquerait la séquence finale. Mon dieu, quelle bêtise. Ce n'est pas possible de se dire : ha oui tout ça c'était un rêve dû à l'opium. C'est ridicule. Cela rend vain tout forme de propos. Ça casse tout, tout simplement.
Apparemment le tout premier cut du film durait 10h... puis Leone a réussi à en faire un cut de 6h espérant que les producteurs accepteraient d'en faire deux films de 3h. Ce fut refusé. Après quoi Leone est arrivé à un cut 4h44 et un autre de 4h15... refusés... avant d'arriver à un cut de 3h45.. MAIS, comme c'est quand même vachement long, y a eu un autre cut de 2h45, celui-là jugé de désastreux par les critiques de l'époque, tandis que le cut de 3h45 a été jugé génial.
Ben moi, je reste sur ma faim après avoir vu la version de 3h45. Et quand je vois la liste de ce qui a été coupé (certaines relations entre les personnages), ça explique, ça coïncide avec ce que je n'ai pas apprécié. Mais commençons depuis le début.
Pendant 1h30 de film j'étais vraiment conquis. L'histoire des gosses est superbe. La structure en flashback ne m'a pas ennuyé car il reste une forme de continuité au travers de ces écarts dans le temps. Bon, ça m'a gêné un peu quand même, c'est vrai, mais pas assez pour me gâcher cette partie. Ce qui 'ma vraiment plu, c'est que l'auteur prenne autant de temps pour développer des scènes un peu insignifiantes ; de la sorte il donne vie à ses personnage. Il aurait fallu quelques scènes de plus pour mieux saisir l'amitié entre ces gosses (car ça tourne principalement entre Max et Noodles), mais ça reste satisfaisant.
Ensuite, pendant une heure, ça reste sympa, mais le niveau baisse déjà : trop d'aller-retours avec le présent, un délaissement discret des personnages. D'ailleurs les retrouvailles tombent un peu à plat je trouve, et il me manque des scènes pour que les personnages se reconstruisent une complicité (je n'arrive pas à m'imaginer que tout redémarre si vite). Il reste de bonnes scènes, des idées et des thèmes bien trouvés et bien exploités, mais je sens déjà un peu le goût de la déception car ça ne va pas assez loin.
Surgit un intermède. Il ne reste qu'une heure de film, on vient de se taper 150 minutes dans la tronche... et c'est maintenant qu'ils mettent une pause ? C'est un peu idiot non ? Soit... cette dernière partie est très décevante. Les auteurs n'ont plus le temps de s'attarder sur des scènes totalement futiles, maintenant on fait avancer la narration, quitte à ce que des choses se déroulent en ellipse. L'ellipse, c'est bien, mais ici, il y a des chose qu'on aurait voulu voir. Et ce jeu avec le temps qui passe est assez agaçant. Ainsi, retrouver Max après tant d'années, voir son évolution paraît absurde. En fait, rien n'est crédible dans cette dernière séquence, parce que rien n'a été construit. On ne reconnaît pas les personnages du tout (ça faisait déjà quelques séquences que Noodles avait l'air différent, ceci dit), et la love story s'éternise, tout comme cette histoire d'amitié. Rien n'est vraiment développé.
Retrouver Max comme ça, ça 'ma fait penser à ces westerns où un brigand est devenu maire dans une ville et la tyrannise 'légalement', sauf que dans ces productions là, on établit l'évolution en début de film et le héros a une heure trente pour le renverser. Ici, cette révélation arrive tardivement et la résolution m'a paru plate de chez plate. Si on avait vécu tout cela avec les personnages, ça aurait marché, mais là on nous résume une vie en quelques dialogues alors que 2 heures auparavant, on prenait le temps de voir un gosse en proie à un dilemme : manger le gâteau ou se taper sa voisine.
La mise en scène est globalement maîtrisée. Je ne suis pas fan du maquillage pour vieillir les acteurs, je pense qu'il aurait fallu caster un groupe de seniors pour ces scènes, ça aurait donné un meilleur jeu et les acteurs prêteraient moins à sourire. Quand je pense que de nos jours, maquiller pour vieillir ne suffit plus, on rajeunit aussi numériquement les acteurs... je crains The Irishman pour ça d'ailleurs. En plus des 300 scènes dont se vante Scorsese... comment peut-on se vanter d'avoir autant de scène dans un film de 3h seulement ? Ici, le film fait 3h45 et je ne pense pas qu'on atteigne les 200 scènes. Bon, sinon, pour en revenir aux acteurs, ils sont tous bons. Seule la mort du gamin est un peu nanardesque, et puis les interprétations de vieux sont faibles, mais pour le reste, on a ce qu'on veut. Et puis il y a les deux interprètes de Peggy que j'ai trouvées très séduisantes !
La reconstitution est assez bluffante, surtout que dans ce film il nous est donné l'occasion de voir l'évolution de la ville, des rues. Avec peu d'éléments les décorateurs et costumiers ont réussis à me convaincre des changements d'époque. Les costumes sont bien, les acteurs ont de la gueule grâce à ça.
La photographie est très plaisante : les décors sont super bien filmés (ces plans du pont), les cadres sont bien construits, les personnages sont toujours bien positionnés. On a parfois des jeux de lumières impressionnants. La scène sur l'eau avec les colis à récupérer est magnifique par exemple. Leone ne se contente pas de jouer avec l'image, il propose aussi des idées sonores très intéressantes, comme le coup du téléphone au début (p'tet que 24 'ring' c'était un peu trop quand même) mais on trouve aussi des ambiances sonores convaincantes grâce à de petits détails. La musique fonctionne assez bien aussi.
Le découpage est efficace, on comprend l'action sans peine. Et le montage permet de bien rythmer cette action, on passe suffisamment de temps sur chaque plan pour comprendre. Il reste quelques mauvais choix, comme cette séquence 'romantique' dans la voiture : une fois à l'arrêt pour le viol, c'est bien foutu, mais tant que ça roule, le fond projeté fait ringard et le travail de lumière autant que de son laissent considérablement à désirer (on ne se sent jamais dans une voiture : où sont les changements d'éclairage, où est le ballottement créé par une route imparfaite?). Je pense aussi que ça aurait pu être plus trash par moment, on voit bien les nichons de ces dames, alors je pense que pour la scène des 4 bites, ça n'aurait pas été du luxe que d'avoir un plan général de ne fut-ce que quelques secondes sur ces sexes libérés.
Bref, j'ai trouvé plein de bonnes choses dans ce film, mais la dernière heure me paraît tellement bâclée que je ressors déçu. Certes, ce n'est qu'une heure sur 3h45 de film... mais 1h ça reste beaucoup et c'est d'autant plus flagrant quand on se rend compte que les 2 premières heures sont passées très vite, sans une once d'ennui, et que la dernière a paru s'éterniser (surtout avec cette fin qui n'arrive jamais). Même si j'ai vite senti que j'allais moins apprécier ce film-ci que les meilleurs westerns de Leone, j'ai quand même cru que j'allais voir un excellent film. Je suis tristesse.