Soyons clairs, je ne vais évidemment pas remettre en cause le statut culte d'une oeuvre immense et unanimement célébrée, réalisée par l'un des plus grands (si ce n'est le plus grand?) artiste du 7ème art.

Mais la troisième vision d'il était une fois en amérique m'a laissé amer.
La première fois quand je n'étais que gamin (et je demande comment ça a pu être possible tant le film est violent, amoral et sans pitié), plus tard à l'adolescence, et aujourd'hui à l'âge raisonnablement adulte.

Ces trois visionnages n'ont fait qu'accroître chez-moi le sentiment de voir un grand film inachevé.
Quelques points qui me perturbent :

- Sans surprise, les scènes rajoutées de la version longue sont nullissimes (à l'image de celles du bon la brute et le truand, avec le redoublage dégueulasse).
Elles cassent bêtement le rythme, nuisent au récit, et n'apportent rien.

Le pire c'est l'ajout d'une scène à la fin du film (ATTENTION SPOILER) : entre le syndicaliste et Max vieillissant au bout du rouleau.
Ce rajout détruit l'ultime climax du film, la surprise des retrouvailles après 30 ans entre Max et Noodles. Il est inutile, il explique bêtement les raisons (qui restent malgré tout peu claires) des emmerdes de Max, alors que justement ce qui faisait la force de la fin du film restait le mystère complet autour d'un personnage insaisissable de bout en bout.
Là on rationnalise le background de Max via des histoires de patrons, de syndicats, et de machins dont tout le monde se contrefout.
Ensuite cela ruine tout simplement l'effet de découvrir avec stupeur le visage vieilli de James Woods.
Le montage initial était à ce titre parfait, on va droit à l'essentiel.

Pareil, après la dispute entre Noodles et Deborah, on a inséré une scène de rencontre interminable entre Noodles et sa future nouvelle copine Eve. Ca ne sert à rien, ça réduit à néant la mélancolie qui s'était instaurée, et par conséquent la scène du départ de Deborah en train perd toute sa force.

Entre autres scènes inutiles : il faudra subir la fadeur du jeu de McGovern quelques minutes de plus dans une scène théâtrale ringarde, et quelques autres discussions qui n'apportent rien.

- Le scénario : il n'est pas si brillant que ça, il fait illusion grâce au montage, et aux dimensions monstrueuses de la fresque, mais il finit par rapidement patiner dans la partie de l'âge adulte, pourtant centrale.
Il ne s'agit que d'une succession de coups, avec quelques personnages secondaires sous-exploités (Joe Pesci, Treat Williams), tous brillamment mis en scène, mais qui ne donnent pas grand chose mis bout à bout.
Il est très confus, surtout à partir de toute l'histoire des syndicalistes, hyper laborieuse, et finalement assez inintéressante.

- McGovern : Je comprends Guyness lorsqu'il hurle à l'infamie pour avoir fait jouer à cette actrice jouflue le rôle de Connelly adulte. Elle est terriblement mauvaise en plus d'être insupportable.
A tel point qu'on se demande comment Noodles a pu s'enticher d'une casse couilles pareille, et lui sacrifier son existence. II est quand même drôlement idiot.

Le personnage est détestable de bout en bout (et c'est voulu).

- Trop de musique tue la musique ?
La BO de Morricone est légendaire, évidemment, mais elle lasse, trop présente, trop lourde, trop boursouflée, elle phagocyte bon nombre de grandes scènes pour appuyer lourdement sur les émotions. Mais le film est un opéra, c'est le genre qui veut ça, pouvait-il en être autrement ?

- L'acteur qui joue Noodles enfant : il est presque aussi mauvais que McGovern, et ressemble plus à un futur Patrick Bruel qu'à un Robert de Niro.

Au rang des forces du film, évidemment on retiendra la photographie hallucinante, la splendeur des décors hors-normes, la reconstitution dinguissime des rues de New-York et leur évolution au cours des différents âges du récit, le génie du montage et les transitions dantesques entre les époques, le charisme des comédiens (hormis les deux points faibles), l'oeil en coin du génial William Forsythe, le regard de gros chat de de Niro, la malice de Woods, et je pourrai encore continuer l'énumération avec le suintant Moe, le rondouillard Aiello, ou encore la truculente Peggy...

Tout est royalement mis en scène, crédible, et vivant, et malgré tous les défauts, les 4h10 passent très facilement.

Mais surtout ce qui me frappe, c'est la noirceur de l'ensemble. Tous les personnages sont terriblement mauvais, malsains, antipathiques (presque pires que Barry Lyndon c'est dire), affreux. A la fois bourreaux et victimes.
Par exemple le viol commis par Noodles est absolument ignoble. Mais la réaction amusée de la violée quelques séquences plus tard est encore plus terrible.
La méchanceté et la froideur de Deborah, l'amour d'une vie pour Noodles, glacent le sang.
Tout est détestable, on est dans un univers sans pitié et sans concession, où tout le monde se hait et se tue.
Un monde où les personnages ont grandi dans la rue, ont appris à faire avec, et à se départir de tout ordre moral préétabli, pour inventer leurs propres codes.

Et finalement on finit par les suivre dans leur délire, et avoir de la peine pour le vieux Noodles en quête de paix dans cette merveilleuse conclusion du film. "J'avais un ami".

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le 23 juil. 2014

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KingRabbit

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