Sergio Leone signe de très beaux adieux avec ce film-testament qui clôt le triptyque "Il était une fois..." (dans l'Ouest, la Révolution, et maintenant en Amérique) sur une musique tantôt sifflante tantôt douce d'un Ennio Morricone inspiré (il s'agit de sa huitième collaboration avec Leone) et portée par la prestation de Robert De Niro, supportant le poids de l'âge variable de son rôle sans difficulté. Nous nous baladons alors dans les souvenirs de ce vieil homme sur les traces de son passé, dans le quartier juif de New-York sous la Prohibition, sans que l'on ne veuille arrêter le récit-fleuve. Il faut dire que Il était une fois en Amérique nous effrayait un peu avec ses 3h45, mais l'on s'est surpris à ne pas voir le temps passer, par la belle mise en scène (qui nous offre des plans sublimes, ne serait-ce que la fameuse traversée de rue des enfants avec les piliers du pont en arrière-plan), la musique tout en douceur qui semble vouloir apaiser les douloureux souvenirs du vieillard, et des intrigues qui intéressent facilement. On se prend au jeu des braquages de banque, des double-jeux (qui tentera d'arnaquer l'autre), de l'invitation mystérieuse de "Noodles" (De Niro) par Monsieur Bailey, avec une révélation finale que l'on n'attendait pas. En parallèle, on suit les aventures de jeunesse de Noodles (qui reluque les filles par un petit trou, qui vole les passants, qui fait bisquer la police), puis celles "moins poétiques" de sa vie d'adulte (braquages violents, viols de femmes, assassinats...) et enfin le regard plein de nostalgie et de regrets de la version sénior sur tous ces souvenirs (il se recueille sur les tombes des copains, se rend au bistrot de son vieil ami Moe, il tente de reprendre contact avec la femme qu'il avait violée). Les séquences de viols sont certainement les scènes qui nous ont le plus marqué, car elles ternissent aussitôt l'image plutôt sympathique que l'on se faisait de Noodles jusque-là, comme une volonté de réalisme et de ne pas dépeindre un portrait idéalisé d'un criminel (trop souvent le bad guy cool, dans les productions modernes). On a aussi apprécié le montage chronologique en bazar qui fait suivre des séquences de tous les âges en fonction des lieux que traverse le bonhomme, exactement comme cela se passe lorsqu'on se remémore au détour d'un sentier (ce n'est jamais classé, daté, propre et logique). Et les premières séquences au bar à opium (avec le téléphone qui sonne durant de longues minutes) qui forment une boucle avec les dernières sont aussi un petit effort du montage que l'on a apprécié à sa juste valeur (on découvre pourquoi ce téléphone était si important, et les raisons qui poussent Noodles à se droguer). On pensait avoir vu la version longue avec ces 3h45, puis l'on s'est aperçu qu'il existait une version de 4h10, celle que l'on verra à l'occasion d'un re-visionnage (ce film se regarde une deuxième fois sans problème, contrairement à de nombreuses œuvres de plus de 3h où l'on s'est dit "une fois, ça va, mais deux..."). Un joli film-fleuve qui ne vole pas sa place de film mémorable.