Deux frères inculpés de meurtre doivent guider un procureur, des policiers et un médecin à travers les déserts d'Anatolie pour retrouver le corps de leur victime ; voilà un pitch qui incite à penser que l'on va regarder un film policier voir un thriller, mais il n'en est rien ! La question se pose alors de savoir si la surprise engendre de la déception ou une curiosité palpitante.

Il était une fois en Anatolie est en effet plus proche d'un récit de littérature que du film policier classique où l'intrigue a une importance primordiale. Ici l'enquête policière disparaît progressivement mais assez vite, s'effaçant pour laisser la place à des portraits très fins de personnages simples, au réalisme saisissant. Parfois très noir dans l'étalage de leurs pensées (le docteur), parfois très drôle dans l'image qu'ils cherchent à renvoyer d'eux-même (le procureur), ces personnages bénéficient de l'interprétation sobre et délicate d'acteurs dans le ton.
Le rythme est lent, déplaira sans doute à beaucoup de gens, mais permet de profiter sereinement de plans magnifiques mettant en valeur un paysage aride et pauvre mais qui se trouve magnifié par le talent d'un réalisateur. La fin peut sembler s'éterniser il est vrai accentuant le désarroi et la tristesse profonde d'un médecin qui regarde s'éloigner une mère et sa fille en se disant qu'il ne connaîtra peut-être jamais le bonheur de partager la vie de tels êtres.

Mais ces problèmes de rythme ne se posent pas quand les moments de grâce interviennent, en témoigne cette scène bouleversante dans laquelle apparaît la fille du maire d'un petit village, bougie à la main, dans une pièce plongée dans l'obscurité, se déplaçant d'un convive à l'autre, provoquant un vrai choc émotionnel à chacun, et au spectateur par la même occasion.
On pourrait aussi citer la tirade mélancolique, poétique, du médecin à l'adresse des policiers sur leur vie en Anatolie, les échanges entre ce même médecin et le procureur à propos d'une mort étrange drapés d'un voile d'intention qui se déchirera sur la fin pour mieux révéler une vérité soupçonnée et là encore bouleversante.

Au risque de se répéter, Il était une fois en Anatolie est un conte qui ennuiera sans doute beaucoup de gens, mais qui provoquera des frissons à d'autres personnes, à la faveur de scènes mémorables, d'une écriture magnifique et d'une réalisation de haute volée.
ngc111
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le 5 janv. 2015

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