En essayant d’oublier la réputation et les recommandations, qui parfois desservent un conseil ou une envie en créant trop d’expectative, je vais tenter de me montrer plus objectif, ou, du moins, de laisser mes a priori de côté ; qu’ils soient positifs ou négatifs.

D’abord, le générique déchire sa race, avec un thème épique et mélodique qui semble apparemment être une marque de fabrique de la Golden Harvest.

Objectivement, cet a priori se vérifie, ce qui me donne une bonne excuse pour redevenir subjectif au possible. Par ce qu’après tout, j’ai toujours raison.

C’est du bon Tsui Hark, les gars, vous m’avez pas menti.

Et vous savez pourquoi je trouve que c’est du bon Tsui Hark ? Pas pour les combats qui pètent du câble, et pas vraiment pour cette façon bien personnelle d’utiliser les focales. Non, c’est du bon Tsui Hark parce que c’est riche.

Ce film est riche. Rythme, personnages, péripéties, enjeux, énergie, action, contexte. Tout y est, à foison, en abondance, avec du goût —non, de la saveur, avec de la générosité. Si à l’époque on avait pu le voir au cinéma on aurait dit qu’on en avait eu pour notre argent.

On y retrouve du bon philosophe martial, des personnages plein de bonhommie, d’autres sympathiquement crétins, des enfoirés de gweilos aux accents étrangers caricaturaux (comme dans toutes productions HK, les blancs ont des accents à couper Hokuto), de la belle chinoise à faire se courber les chines, du rival charismatique, du salopard qui rit jaune, et j’en passe.

D’ailleurs côté personnages, malgré les archétypes bien présents, la plupart bénéficie d’une écriture (et interprétation) les mettant à l’abri du manichéisme. Je pense entre autres à Lung-Fu, girouette s’il en est, dont les mauvais choix se voient nuancés par une bonne volonté toute juvénile.

D’un autre côté, si je salue l’immersion servie par un travail artistique plus qu’honnête, multipliant décors et costumes de qualités (ou disons parfois pas trop fauchés), je regrette un certain manque de fluidité dans la façon dont Hark s’appuie sur son contexte historique. Au lieu d’entrecroiser échelle historique et privée avec souplesse, il donne plus l’impression de multiplier les allers retours de façon un peu éclatée ; il en résulte un éparpillement apparent faisant perdre de la lisibilité à son récit.

Pour revenir à l’objectivité et à la subjectivité, je vous avoue que je n’aimais pas Jet Li jusqu’à présent, et je me demandais ce qu’on pouvait bien lui trouver à ce nabot sautillant. En même temps, je ne l’avais vu que dans les productions occidentales indigentes auxquelles il avait eu le malheur de participer, et moi de regarder. Et voilà que Hark me remet les pendules à l’heure (c’est le cas de le dire d’un point de vue chronologique) et me démontre qu’objectivement, ce nabot là assure en kung fu. En plus v’là t’y pas qu’il m’offre quelques plans cadrant de superbes poses en garde avec regards brulants. Objectivement, j’avais subjectivement tort, il est bien ce Li là.

Un poil long tout de même, le film aurait gagné à prendre quelques raccourcis pour simplifier les interactions et intrigues, mais on embrasse avec joie les scènes de kung fu, typiquement filmées par Tsui Hark avec son brio visuel caractéristique. Ces dernières réservent leur lot de fulgurances artistiques, de même que certains plans des scènes classiques sont empreints d’une grâce inattendue (je pense par exemple à la scène dans laquelle Robe de Fer ramasse les pièces de monnaie sous la pluie, observé par Lung Fu).

Et puis ce thème musical là, putain. C’est bon.

Pour moi, cela reste une sacrée bonne introduction au cinéma de Tsui Hark de ces années 80/90. Je ne m’attendais pas à autant de richesse narrative, je ne m’attendais pas à la place qu’occupe la peinture du contexte historique, je ne m’attendais pas à apprécier autant de personnages secondaires. Mais j’avoue que je m’attendais à plus de folie visuelles, ou esthétique. Je m’attendais aussi à plus de kung fu, peut être ; même si j’en reconnais son excellent niveau.

Objectivement, Il était une fois en Chine est un très bon film, qui dépasse voire transcende même le genre dans lequel on pense pouvoir le classer. Subjectivement, je me montre moins dithyrambique que mes chers éclaireurs, mais c’est quand même un bon HK (High Kiff).

Et pour ça, merci du conseil les gars.
real_folk_blues

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