Extrêmement fidèle à la pièce d'Oscar Wilde, le film d'Anthony Asquith me permet - il était temps - d'enfin découvrir le texte de l'auteur le plus namedroppé de l'histoire des Grosses Têtes. Si la trame vaudevillesque se révèle foncièrement classique voire un poil trop prévisible, la précision du verbe force le respect. Les dialogues sont un pur délice mettant en exergue avec beaucoup de malice et de flegme la vanité des uns et des autres. Dans ce jeu de parades et d'apparences entre deux menteurs invétérés et deux Instagram girls avant l'heure, arbitré par une marâtre aussi cynique qu'odieuse, Wilde parvient d'une certaien manière à se jouer des codes du vaudeville pour donner une vitalité réjouissante à cet enchaînement de quiproquos.


La réalisation d'Anthony Asquith apporte bien peu de plus-value à la pièce. On peut même s'interroger sur la pertinence de nous rappeler en intro et en conclusion que l'on n'assiste qu'à du théâtre, comme si les ambitions du cinéaste s'inclinaient d'emblée devant l'héritage de Wilde. Mais au final, quelle importance, car d'une : cela permet en un sens de renforcer l'artificialité de l'univers dans lequel évoluent les personnages ; et de deux : les possibilités de transcender un texte originel comme celui-ci reposent avant tout sur les acteurs. Et là, difficile de faire la fine bouche : l'interprétation globale touche du doigt la Perfection avec un grand P comme pied. Tous les membres du casting embrassent leurs personnages avec une application sans faille, sans jamais tomber dans le grotesque ni l'exagération. Dans des rôles qui peuvent pourtant facilement inciter à la caricature, chacun parvient à trouver la nuance requise, le ton juste. C'est un régal, et je n'ai même pas le coeur à en citer un plus qu'un autre tant tous rivalisent d'intelligence à l'écran.


Pour tout dire, je pense avoir rarement vu un ensemble d'acteurs d'une telle qualité à l'écran. Hormis Joan Greenwood et Michael Redgrave - et encore - aucun ne jouit d'une quelconque notoriété hors d'Angleterre. Ils sont pourtant la clé de voûte d'un film qui, à défaut de sublimer le texte de Wilde, le manipule avec délectation pour en extraire une moelle bien juteuse.

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le 24 sept. 2018

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magyalmar

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