Les adaptations littéraires se font depuis quelques temps une seconde jeunesse dans le paysage du cinéma français. N'étant pas forcément ma tasse de thé, je me suis rendu à cette séance avec trop peu d'espérance. J'étais néanmoins intrigué par ce casting, notamment comment Xavier Dolan allait pouvoir exister dans ce qui me semblait être un bourbier. En définitive, j'ai eu l'agréable surprise de m'être totalement trompé. J'avais un jugement de valeur qui n'avait pas lieu d'être. A travers cette remise en question je me suis ensuite poser une question : Pourquoi cet ovni sorti avec une couverture médiatique importante est-il aussi acclamé ? Décryptage.


Tout d'abord, ce qui fait la grande force de cette œuvre est dans selon moi sa gestion du rythme. Ce qui m'agace depuis plusieurs années dans le cinéma français notamment pour le genre dramatique ou policier c'est son incapacité à savoir gérer son temps. C'est comme ci les dialoguisent et monteur étaient en conflits perpétuels. Dans cette adaptateur de Balzac, Giannoli & Fieschi réussissent un pari risqué : garder ce qui fait l'essence de l'œuvre tout en se l'appropriant. Balzac ce n'est pas facile à lire, beaucoup ne s'y aventurerait pas. Aidé par un montage dynamique signé Cyril Nakache, Giannoli ne tombe jamais dans le piège du contemplatif ou l'ajout d'éléments superflus. On ne s'ennuie pas une seule seconde malgré les deux heures et trente minutes ! C'est d'autant plus impressionnant car il arrive ainsi à le rendre accessible à un plus large public.


Par ailleurs, ce qui fait la réussite de ce film ce sont ses intentions. En plus de divertir, le spectateur se cultive et découvre un pan de l'histoire de France. Cette faculté à dépeindre les mœurs de la société du XIXème siècle est impressionnant de réalisme. De nombreuses scènes sont d'ailleurs un miroir grossissant de la société actuelle, à l'époque où la moindre information "gossip" valait son pesant d'or nous sommes ici face à l'ancêtre des réseaux sociaux. Chacun essaye de sortir son épingle du jeu et les coups bas font bon ménage.
Compliqué de s'en sortir pour Lucien de Rubempré tout droit sorti de sa province. On comprend très rapidement que c'est un jeune homme talentueux destiné à un brillant avenir mais tout aussi fragile et avide de reconnaissance. Le processus est enclenché et comment ne pas tomber dans les pires folies avec cette société en pleine essor où la révolution industrielle est à ses prémices. Giannoli parvient brillamment ici à nous raconter l'histoire d'une vie, d'un destin tragique avec un équilibre admirable.


Pour ce qui est des acteurs il n'y a pas grand chose à redire. Benjamin Voisin est parfait avec sa gueule d'ange déchu, on ne peut qu'avoir de la sympathie pour lui. Les scènes dramatiques sont plutôt bien amenées ce qui n'est pas toujours le cas quand on parle d'œuvres françaises mais là c'était très correct. Cécile de France est d'une beauté incroyable, elle dégage quelque chose de doux et soyeux. La complexité de son personnage fait d'immoralité et de pudeur n'était pas une partie de plaisir à incarner et elle s'en sort avec un brio ! Vincent Lacoste quant à lui fait ce qu'il sait faire et c'est pertinent, son rôle lui colle à la peau, on a du bon Lacoste. Xavier Dolan m'a beaucoup plu dans un rôle qui sort de sa zone de confort, il a dû bosser son phrasé pour rentrer dans son personnage et c'est une belle réussite ! Depardieu égale à lui même, toujours très juste. Pour finir, petite révélation Salomé Dewaels qui incarne Coralie. Je ne la connaissais pas et j'ai été fasciné par son jeu. Une actrice pleine de vie, avec un stylé varié et très expressif. Elle réussit à s'imposer dans un film où les têtes d'affiches auraient pu l'éclipser, ce n'est pas le cas, elle a tout à fait sa place dans le paysage du cinéma français.


Je confluerai en saluant toute l'équipe technique qui a fait un travail exceptionnel. Du directeur de la photographie avec ses plans séquences, ses prises de vues naturelles et ses éclairages variés en passant par les décors incroyables reconstitués parfaitement époque Napoléonienne. J'en oublierai presque les costumes dans le ton mais où l'on sent que l'équipe s'est bien amusé à nous sortir tout un tas d'assemblages farfelus qui collent plutôt bien aux scènes concernées (notamment quand Lucien dépense sans compter et passe ses journées à faire des essayages avec sa femme, savoureux !). La musique est quand à elle correct, elle nous emporte sans forcément nous submerger, c'est du classique sans prétention.


"Illusions perdues" de Xavier Giannoli est donc une vraie réussite que ce soit par sa faculté à avoir su d'adapter à son époque, le talent de ses acteurs et la virtuosité de sa mise en scène. C'est le genre de film qui me réconcilie avec le cinéma français et me donne plein d'espoir pour l'avenir.

Raphaël_Mørgan
8

Créée

le 7 nov. 2021

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