"Si tu ne fais peur à personne tu n'intéresses personne"

On a beaucoup évoqué le fait que ce film, huitième long-métrage de Xavier Giannoli, interpellait à travers un autre siècle notre propre époque en insinuant, de manière plus ou moins lourde, que les manigances perpétrées par des hommes de pouvoir existaient de tous temps. Ces affirmations sont justes mais ne sauraient résumer un film où la mise en scène est reine. Le cinéaste a en effet adapté le roman de Balzac dans le but de façonner une contigüité entre le XIXème et le XXIème siècle en proclamant une opinion acerbe quant aux médias dont les inventions malfaisantes ressemblent étrangement à ce que l'on connaît aujourd'hui : fake news, buzz et bad buzz… Pourtant, si cette volonté de tendre un miroir amer à notre époque fonctionne sans paraître fondamentalement laborieuse c'est parce qu'elle est accompagnée d'une réalisation exaltée et du très bon travail de la troupe de comédiens.


Illusions perdues est une fresque lyrique cinématographique qui a pour grande qualité de ne pas tomber dans les poncifs des adaptations des grands classiques de la littérature française. Au contraire, il existe ici une certaine audace de mise en scène où le lyrisme vient contraster avec le réalisme cru du roman de Balzac. La voix off aurait pu être une surcharge inutile à l'histoire, comme c'est le cas dans bon nombre de films, mais elle est ici plutôt convaincante car au lieu d'alourdir le propos elle l'élève pour accentuer de nouveau ce souffle lyrique et virulent qui traverse le film. Or, si la virulence et l'âpreté d'Illusions perdues a été rendue possible c'est également grâce à la justesse de tous les acteurs et les actrices. À travers ce casting assez impressionnant (Benjamin Voisin, Cécile de France, Xavier Dolan, Vincent Lacoste, Gérard Depardieu, Jeanne Balibar…) l'identité du film prend forme. Benjamin Voisin (qui est de presque tous les plans en 2h30 de film !) se révèle être un choix pertinent pour jouer Lucien de Rubempré de par son élégante arrogance et son jeu dont le classicisme résonne avec l'idée que l'on pourrait avoir d'une adaptation d'un classique de la littérature mais qui est dynamité par la mise en scène électrique de Giannoli.


Illusions perdues se dévoile donc être une bonne surprise de cinéma où l'adaptation ne sombre pas dans ses écueils et où la mise en scène permet enfin de dépoussiérer le cinéma français.

Charlotte2503
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le 4 nov. 2021

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