Un intéressant film à Oscars qui repose sur les épaules de Cumberbatch

Depuis quelques temps, Benedict Cumberbatch est devenu l’une des figures emblématiques du cinéma et ce depuis son rôle emblématique de Sherlock Holmes dans la série télévisuelle. Ainsi, il s’est montré aussi bien dans des blockbusters hollywoodiens (Star Trek Into Darkness, la trilogie Le Hobbit) que dans des films moins imposants niveau budget (Un été à Osage County). Le comédien n’avait cependant pas encore eu l’occasion d’être en tête d’affiche d’un projet important, hormis Le cinquième pouvoir (mais comme le film est passé inaperçu, il ne compte pas vraiment). Imitation Game change la donne, en lui proposant un rôle à Oscar, celui du mathématicien Alan Turing qui a été l’un des acteurs les plus importants de la Seconde Guerre mondiale. Et vu comment le film rafle les nominations (Golden Globes et les Oscars, justement), autant dire qu’il s’agit d’une bonne pioche pour Cumberbatch.

S’il vous fallait une seule raison de vous déplacer pour voir Imitation Game, il s’agirait de Benedict Cumberbatch, sans la moindre hésitation. Surtout si vous avez aimé la série Sherlock, car le personnage d’Alan Turing se révèle être semblable à celui du détective de Baker Street : solitaire, arrogant, intelligent, déductif, insociable, renfermé sur lui-même… Un rôle taillé sur mesure pour Cumberbatch, qui se délecte à chaque instant des répliques et autres frasques qu’il doit débiter, sans oublier de donner de la profondeur et de la sensibilité à son personnage lors de séquences un peu plus sérieuses et émouvantes, le rendant incroyablement attachant. La prestation du comédien se présente donc comme l’atout majeur de ce long-métrage, surpassant et de très loin les compositions pourtant tout aussi bonnes de ses camarades de jeu (Keira Knightley, Matthew Goode, Mark Strong, Charles Dance…).
Mais même sans Cumberbatch, Imitation Game possède bon nombre d’atouts qui le font sortir de la multitude de biopics que le cinéma n’arrête pas de livrer au public depuis bon nombre d’années. D’accord, Imitation Game n’impressionne guère par sa mise en scène, plutôt classique, ne faisant que filmer les comédiens interpréter leur personnage respectif, mais possède un côté so british fort plaisant qui permet d’accrocher dès les premières minutes. Une ambiance qui allie légèreté et humour au second degré qui n’est pas sans rappeler Sherlock (encore une fois) et qui permet donc d’aborder le destin d’Alan Turing avec facilité et non sans intérêt. Cette atmosphère permet de capter l’attention du public sur ce personnage, sur son génie et sur ce qu’il a accompli. Vous serez alors irrémédiablement plongés dans cet épisode méconnu de la Seconde Guerre mondiale, monté de manière énergique et sans aucune grande envolée musicale qui aurait très bien pu rendre l’ensemble niais au possible (Alexandre Desplat fait, une fois de plus, un excellent travail).

Sans oublier le fait que le scénario aborde des thématiques autre que la guerre pour creuser un peu plus le personnage d’Alan Turing, comme son homosexualité, son adolescence difficile et ses nombreuses théories mathématiques et informatiques. Une approche sur le papier fort louable qui a pour but de faire découvrir aux spectateurs une personnalité dans son intimité. Le problème est qu’Imitation Game se disperse et use de ses thématiques assez maladroitement. Le fait de concentrer la trame du film sur la quête d’Alan Turing à vouloir casser les codes allemands ne laisse plus vraiment de place pour les autres sujets : soit ils sont survolés comme les théories d’Alan Turing, soit ils sont imposés voire même surexploités alors qu’il n’y avait pas besoin de le faire (l’adolescence et l’homosexualité du personnage).

Il aurait même été préférable qu’Imitation Game ne se limite qu’à sa trame principale, qui donne déjà suffisamment d’informations sur la personnalité d’Alan Turing. Par exemple, en une seule réplique, vous apprendrez que le mathématicien a vécu une adolescence difficile. Mais non, vous aurez tout de même droit à des flashbacks qui vous le montrent alors que c’est inutile, donnant l’impression de meubler le film et cassant ainsi son rythme. Ou encore le fait que certaines actions et choix de Turing révèlent sa sexualité, sans oublier le dénouement du film qui saura en émouvoir plus d’un. Comme si cela ne suffisait pas, le scénario se permet romancer les faits historiques (comme le nom qu’il donne à son invention), les changent irrémédiablement pour (trop) insister sur la sexualité du Turing, jusqu’à dire qu’Imitation Game se présente comme un hommage à la cause gay. Un statut malvenu étant donné que le film préfère se concentrer sur le décodage de la machine Enigma et n’a tout simplement pas l’ambition scénaristique d’un Philadelphia ou d’un Harvey Milk pour prétendre une telle chose.

Hormis ses erreurs d’écritures et sa démesure en thématiques, Imitation Game a tout d’un très bon biopic : une histoire passionnante, un personnage superbement interprété et charismatique, un côté pédagogique qui porte ses fruits, une bonne ambiance qui facilite le visionnage de l’ensemble… Un véritable film fait pour les Oscars et qui va sans l’ombre d’un doute servir de tremplin pour Benedict Cumberbatch, si Sherlock et les autres films ne l’avaient pas déjà fait avant !

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