Décoder le code, gagner la guerre
Benedict Cumberbatch délaisse le costume de Sherlock Holmes pour incarner le temps d’un film Alan Turing, le père de l’informatique.
Nous sommes en 1939, le Royaume-Uni vient d’entrer en guerre contre l’Allemagne de Hitler. À Bletchley Park où se sont installés les services chargés d’intercepter les messages allemands, l’armée et les renseignements britanniques font face à un obstacle de taille : Enigma, une machine utilisée par les Allemands pour coder toutes leurs transmissions et dont le code est réputé inviolable. S’ils ne parviennent pas à déchiffrer Enigma, les Alliés pourraient perdre la guerre. Il leur faut donc réunir les meilleurs cryptographes pour venir à bout de cette tâche impossible. C’est alors que se présente un certain Alan Turing, jeune mathématicien talentueux qui pense pouvoir déchiffrer le code d’Enigma en construisant une machine capable de calculer plus vite que l’homme toutes les combinaisons de codes possibles.
Non content de raconter cette incroyable aventure qui aboutira à la création de ce que l’on doit considérer aujourd’hui comme l’ancêtre de nos ordinateurs et donnera aux Alliés un avantage décisif dans la guerre grâce à la maîtrise de l’information, le film s’attache surtout à faire le portrait d’un homme brillant qui n’a jamais vraiment trouver sa place parmi ses semblables. Homosexuel, Alan Turing fut condamné en 1952 à la castration chimique. Il se suicida en 1954. Il aura fallu attendre 2013 pour que la reine Elizabeth II le gracie à titre posthume.
Pour nous dépeindre cet homme mal compris par son temps, le film navigue entre trois époques, la Seconde Guerre mondiale, 1952, et 1927 où Turing adolescent est martyrisé par ses camarades. Le montage passe d’une époque à une autre sans transition, ce qui peut parfois dérouter le spectateur, d’autant que rien dans la photographie ne permet de distinguer ces trois périodes. Malgré ce petit défaut, on se laisse prendre par l’histoire grâce à une mise en scène sobre et soignée, et au jeu des acteurs, Benedict Cumberbatch en tête, tout à fait à l’aise dans ce rôle d’homme intelligent mais un brin autiste et asocial. De ce point de vue, son interprétation d’Alan Turing n’est pas si éloignée de son personnage dans la série "Sherlock", l’humour en moins et la sensibilité en plus. Si l’on en croit le film, Turing ne savait pas faire de l’humour et avait des difficultés à saisir les double-sens et les sous-entendus dans les propos de ses semblables, ce qui ne l’empêchait pas de faire preuve d’empathie. On pourra éventuellement tiquer sur le cliché du scientifique brillant mais socialement inadapté, faisant parfois passer au second plan le travail de Turing. Il n’en reste pas moins qu’"Imitation Game" est un film à ne pas manquer, ne serait-ce que parce qu’il rend hommage, sans jamais le juger, au père de l’informatique tout en levant le voile sur un pan méconnu de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
