Plus encore qu’une histoire tiré d’un fait réel, un biopic propose très souvent un sujet fort : une histoire marquante, soit sur le plan social ou historique, voir souvent des deux. On reproche souvent toutefois aux biopics d’être formaté pour les oscars, et de souffrir d’un académisme convenu. Il est vrai que l’intérêt de ces films semble parfois se reposer exclusivement sur le caractère particulier de l’histoire de base, qui apparaît comme un sujet un peu facile pour un réalisateur qui n’a donc qu’un mérite limité (« les chemins de la liberté »). Mais la réussite n’est pas toujours assurée pour autant, et un fort potentiel de départ peut être gâché si la réalisation ou le rythme ne suivent pas (cas des biopics un peu trop intimistes souffrant de lenteurs).


« Imitation game » raconte une parte de la vie de Alan Turing, qui a marqué l’Histoire à plusieurs niveaux : sa participation secrète à la seconde guerre mondiale, sa condamnation pour ses tendances homosexuels, et sa contribution la plus importante ses recherches qui ont abouti à l’arrivée des premiers processeurs d’ordinateurs, des machines capables d’effectuer plusieurs calculs, avec l’importance que l’on connait aujourd’hui. On se souviendra de lui également pour l’élaboration du fameux test de Turing, visant à évaluer si une intelligence artificielle pense vraiment par elle-même. Une histoire particulièrement intéressante donc, qu’il n’était guère possible de développer complètement sur tous ces aspects. Le film se concentre ainsi sur une partie plus méconnue qui est sa participation à un projet top secret visant à craquer les codes nazis, la machine Enigma.


Alors que la guerre bat son plein, une course contre la montre s’annonce. Les codes nazis sont réinitialisés chaque jour, et chaque jour il faut donc recommencer les calculs, pendant qu’ailleurs des soldats meurent. Alan Turing tente donc de mettre au point une machine révolutionnaire qui permettrait d’optimiser les calculs. Mais il se heurte au scepticisme des supérieurs militaires dont il dépend, et du manque de soutien de ses collègues, rebuté par son comportement, du moins dans un premier temps.
Mais craquer le code ne suffira pas. Si les nazis comprennent que leurs messages peuvent être lus, ils changeront leurs méthodes. Alan et ses collègues décident donc d’agir dans le secret le plus absolu, pour aider l’armée à gagner la guerre sans trahir leur avantage, décider à quels moments intervenir ou ne rien faire, en d’autres termes choisir qui va vivre et qui va mourir… Un choix que personne ne devrait faire, un choix cruel et inhumain, qui révolte de prime abord. Mais chacun de reconnaître qu’en ces temps troublés, c’est la meilleure façon d’agir.


Il est intéressant de savoir que ces faits n’ont été dévoilés que 50 ans plus tard ! Des experts estimant que la réussite de Turing a permis de finir la guerre 3 ans plus tôt. Qui sait quels autres secrets non dévoilés, ou non encore dévoilés, l’histoire détient-elle ?


Pour ma part je trouve intéressant aussi de constater qu’avec l’importance nouvelle des communications à longue distance, l’humanité entre dans une nouvelle ère de secrets, de manipulations et de mensonges. La présence d’un espion russe parmi l’équipe, et la décision des services secrets de collaborer avec lui dans la lutte contre les nazis dans le dos des militaires, sembler amorcer le début de l’espionnage tel qu’on le connait.


Alan Turing est incarné par l’acteur devenu très bankable, le célèbre Sherlock moderne, Benedict Cumperbatch, qui joue là un rôle très similaire où il se conduit en connard arrogant sans en avoir conscience. Lorsqu’il affirme qu’il est supérieur, c’est sans sentiment d’ego ou de suffisance mais parce qu’il n’a que trop conscience que c’est la vérité. Plus à l’aise dans les chiffres que dans les relations, il exprime à voix haute tout ce qu’il pense, sans prendre de gants avec son auditoire. Quelques différences existent toutefois avec le détective britannique. Génie scientifique, il souffre d’une certaine inadaptation sociale, et prend au pied de la lettre tout ce qu’on lui raconte, d’où un comportement ou des réactions en décalage. C’est en quelque sorte un Sherlock mélangé avec un Sheldon. Néanmoins, les rôles restent très proches et on pourrait lui reprocher de n’exceller que dans un même style de jeu (je n’ai pas vu son rôle de méchant dans Star Trek). Ce qui conduit certains à prétendre qu’il n’est pas un bon acteur… A voir sa future prestation dans Dr Strange.


« Imitation game » n’échappe toutefois pas à un certain académisme, mais l’ensemble suscite néanmoins suffisamment d’émotions pour attiser l’intérêt, à l’inverse de « une merveilleuse histoire de temps » sorti la même année, autre histoire forte sur un homme hors du commun, scientifique de génie ayant révolutionné la science malgré une terrible maladie qui l’a atteint. La réalisation tristement conventionnelle et sans éclat limitait fortement l’impact que l’histoire pouvait provoquer, sans parler du choix discutable de se concentrer sur sa maladie et son couple, au détriment de sa contribution à la science. Pour Alan Turing, le film s’annonce probablement romancé et certainement pas rigoureusement exact sur la véracité des événements. Le choix de modifier certains éléments à des fins narratifs peut donc être sujet à débat, mais les éléments ayant le parfum de vérité sont suffisants pour montrer intérêt sur le plan historique. D’autant que le côté divertissant étant lui aisément rempli.

Enlak
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le 28 févr. 2016

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Enlak

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