On a connu Fatih Akin avec des drames forts mettant en exergue la place de la communauté turque dans la société allemande contemporaine. Il nous revient avec un film poignant mettent en scène un couple mixte dont le mari et le fils sont tués lors d’un attentat à la bombe perpétré par des néo-nazis. « In the fade » se concentre sur le ressenti de la femme jouée par Diane Kruger et les conséquences que cela développe sur elle. Des conséquences forcément déchirantes pour un sujet hautement abrasif. Le souci du long-métrage est qu’il peut nous apparaître comme une contre-attaque du cinéaste face aux attentats commis par la communauté musulmane en Europe, une espèce de droit de réponse au climat géopolitique actuel et aux tensions migratoires ayant lieu en Europe depuis quelques années. En ce sens, cela peut paraître très manichéen et cruellement manquer de nuances mais on peut aussi prendre le film comme une œuvre bienvenue qui tente de montrer que le mal et la bêtise peuvent revêtir différentes formes. Un manifeste contre le racisme en quelque sorte mais trop binaire, auquel il manque indubitablement d’un point de vue contradictoire.
Sur le versant purement cinématographique, « In the fade » se décompose en trois parties toutes les trois intéressantes articulées autour d’une narration rythmée et d’une mise en scène coup de poing. Au début, on est en plein drame, on assiste à la destruction de la vie d’une femme qui perd ses repères tout comme son envie de vivre en même temps qu’elle perd sa famille. Et c’est l’interprétation impeccable et toute en fêlures, sans exagération, de Diane Kruger qui permet un processus d’identification fort et indiscutable. Elle a pris ce rôle difficile à bras le corps et mérite amplement le prix reçu à Cannes. Elle est le moteur et la force principale de cette œuvre dure dans tous les sens du terme. L’émotion est tangible et rarement on avait ressenti avec autant de force les conséquences d’un attentat et de la perte d’êtres chers au cinéma. Puis vient la partie judiciaire tout aussi édifiante où les rouages de la justice sont montrés du doigt, une justice qui peut laisser libres des coupables par des vices de procédure ou des détails ridicules. Cette partie est prenante et nous prend aux tripes. Enfin, la partie vengeance se pare d’une idéologie discutable mais dont le parti pris est assumé jusqu’au bout en vantant la loi du Talion. « In the fade » manque donc parfois de subtilité et peut sembler démonstratif avec un fond qui pourra prêter à débat. Néanmoins, il reste un thriller qui fait froid dans le dos et verse avec mesure dans le pathos en dépit d’un sujet qui aurait pu l’y faire sombrer totalement. C’est attirant et maîtrisé sur la forme mais assez maladroit sur le fond pour qui n’est pas versé à la cause du cinéaste. Dans tous les cas, on est happé par cette histoire et on passe un moment de cinéma intéressant et fort.