En pleine plongée dans les richesses du cinéma asiatique, il semblait difficilement concevable de ne pas croiser le chemin de Wong Kar-Wai, un cinéaste dont les louanges ont été chantées maintes et maintes fois. Et comme porte d’entrée vers son cinéma, j’ai choisi ce qui est, sûrement, l’un de ses films les plus célèbres : In the Mood for Love.


L’amour est un thème éternel et inépuisable, inhérent à l’humain, prenant presque toujours part dans l’immense majorité des œuvres cinématographiques depuis la naissance du septième art. Un premier baiser filmé par Thomas Edison en 1896, et, depuis, l’amour a durablement imprégné le cinéma. Mais parle d’amour n’est pas une évidence. Il ne s’agit pas de, simplement, associer deux êtres, les rapprocher, les éloigner, les séparer, et dire que l’on a su parler d’amour. Car autant qu’un film doit être vivant et vivre à travers les yeux du spectateur, l’amour doit également être vivant. C’est là que tout l’art du cinéaste intervient, l’art d’un cinéaste comme Wong Kar-Wai.


Le grand atout d’un film comme In the Mood for Love, c’est de s’éloigner des évidences, de s’affranchir de limites et de standards liés à nos habitudes cinématographiques, pour favoriser l’émergence d’un ressenti et générer des émotions réelles. L’intrigue n’est pas linéaire, mélangeant les repères temporels et les éventualités. In the Mood for Love cherche à explorer les sentiers de l’amour, à mettre sur pellicule sa complexe simplicité, ou sa simple complexité, capturant, au détour d’un regard ou d’un geste, le fonctionnement de ses mécanismes. Notamment accompagné du thème composé par Shigeru Umebayashi, thème principal de Yumeji, réalisé par Seijun Suzuki, In the Mood for Love s’avère être un pur moment de poésie.


Car le film de Wong Kar-Wai se regarde comme on lit un poème, ayant un côté inaccessible, tout en faisant s’égarer notre conscience et en nous touchant droit au cœur. La mise en scène du cinéaste est d’une grande finesse, nous plongeant dans l’intimité de ces personnages, capturant leurs regards et leurs gestes, mais toujours avec un regard doux et émouvant. L’alchimie entre Maggie Cheung et Tony Leung opère à merveille pour donner vie à cette histoire aussi simple et belle qu’elle est impossible. L’amour et sa place dans la société sont ici abordés avec beaucoup d’élégance et de pudeur, soulignant l’impossibilité pour les protagonistes d’assumer cette relation extra-conjugale en public face aux standards de la société chinoise, mais en restant toujours dans les non-dits et le suggéré.


Il va sans dire qu’avec In the Mood for Love, Wong Kar-Wai montre qu’il sait parler d’amour. Le cinéaste n’en est ici pas à son coup d’essai, et il poursuivra notamment dans un autre très beau film, 2046, qui cherchera notamment à invoquer le passé et différentes conceptions de l’amour. En définitive, In the Mood for Love est comme un poème doux et triste, qui aborde l’amour et sa place dans la société et dans la vie avec élégance et pudeur. Une parenthèse mélancolique superbement mise en scène, où le temps et l’espace s’effacent au profit des sentiments.

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le 26 avr. 2019

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